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mieux placée au bas de la page que dans le texte. — Une vieille campagnarde, affligée des dispositions dernières de son mari, se plaint en ces termes :

Quoi ! sans me rien laisser, sortir de cette vie !
Côte à côte avec lui, pourtant, je l’ai suivie
Pendant plus de vingt ans…


Suivie se rapportant à cette vie est une locution impropre et un tour de phrase louche et forcé.

Voici pour la langue ; passons à la rime.

On ne trouve dans M. Brizeux que bien peu de rimes faibles ou insuffisantes. Parmi les faibles, je noterai yeux rimant avec bœufs, automne et none rimant avec jaune, Anna avec déjà et voilà ; mais une rime que je regarde comme tout-à-fait vicieuse, c’est celle d’un mot terminé par une voyelle avec un mot finissant par une consonne, comme cou et coup, au singulier[1]. Je regrette que M. Brizeux l’ait employée quatre fois.

On rencontre avec surprise dans les Bretons deux ou trois vers dont la mesure est fausse :

Demandez-le à celle en qui tout est clarté.


Le s’élidant devant une voyelle, il ne reste au vers que onze syllabes. Comment M. Brizeux ne s’est-il pas rappelé ce vers de Voltaire, qui semble être le moule du sien

Demandez-le à celui qui nous donna la vie ?

Le vers suivant est encore faux :

À genoux sur la terre, elles y voient descendre…


Le mot voient et tous les mots de cette forme ne peuvent entrer dans un vers sans le fausser. On ne doit les placer qu’à la fin, pour des raisons métriques que M. Brizeux sait mieux que nous. Il n’y a d’exception que pour les imparfaits de l’indicatif et pour les deux mots soient et aient. Encore fait-on bien d’user sobrement de cette permission. — Je crois devoir encore marquer d’un obèle les expressions suivantes, d’une familiarité puérile. Dans le chant des Pilleurs de côtes, on lit :

Lutte affreuse ! le ciel est plus noir que de l’encre.

  1. Ces sortes de rimes au pluriel sont irréprochables.