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magne, tant par la situation particulière de ses petits états, souvent enclavés les uns dans les autres, que par la nature de leurs relations politiques. Il y avait cependant de grandes difficultés à vaincre dans l’exécution : la politique habile de la Prusse a triomphé de ces difficultés, et depuis qu’un premier succès a couronné ses efforts, l’association n’a fait que s’étendre par de nouvelles accessions. Malgré quelques inconvéniens partiels et peu sensibles, cette association n’a produit en général que de bons effets. Le lien qu’elle a créé entre des états divers, bien qu’il ne soit pas sanctionné par une autorité politique supérieure, paraît à l’auteur si bien cimenté par l’intérêt de tous, qu’il n’hésite pas à le déclarer désormais indestructible.

Comme tous les évènemens qui ont quelque grandeur, et qui exercent une influence sensible sur l’existence des peuples, l’association douanière allemande a fait surgir de l’autre côté du Rhin une théorie nouvelle, théorie d’économie politique, qui semble faite tout exprès pour seconder l’association, et qui en résume l’esprit. Peut-être M. Richelot a-t-il attaché aux principes de cette nouvelle école allemande, dont M. List est le principal représentant, une importance trop grande. Nous lui reprocherions surtout d’avoir immolé aux pieds de M. List, dont les doctrines n’ont pas encore reçu, tant s’en faut, la consécration du temps, les économistes français et anglais, Adam Smith, J.-B. Say, ainsi que tous les écrivains de leur école, jusques et y compris M. Rossi. L’exposé et la défense de la doctrine de M. List ne forment, du reste, dans l’ouvrage de M. Richelot, qu’une digression. C’est pourtant au nom de cette doctrine que l’auteur voudrait voir l’exemple de l’association douanière allemande suivi par d’autres états de l’Europe, bien que dans certaines limites et avec quelques différences dans l’application. À cet égard, nous serions de son avis ; seulement, au lieu de voir dans l’établissement d’associations de ce genre le résultat final d’une théorie vraie, nous n’y verrions qu’une amélioration relative de l’état présent.

Bien que nos opinions s’écartent sur bien des points de celles de M. Richelot, nous n’hésitons pas à reconnaître le mérite de son ouvrage. Ce n’est pas seulement le fruit d’une étude consciencieuse, c’est encore l’œuvre d’un esprit sain. Le style en est simple, clair, rapide, et parfaitement approprié au sujet. Les idées, quoique nombreuses et très variées, s’y déroulent toujours sans embarras. Aussi, malgré l’aridité apparente de la matière, on peut lire cet ouvrage sans fatigue et même avec plaisir.

— M. Charles Magnin vient de publier une traduction des drames naïfs et bizarres de l’abbesse Hroswitha, que la vocation dramatique est venue chercher au Ve siècle dans le silence du cloître. Cette traduction est accompagnée d’une préface et de notes où la critique relève et complète heureusement l’érudition. Nous reviendrons sur cet important travail qui fait passer dans notre langue un des plus curieux monumens de la poésie du moyen-âge.


V. DE MARS.