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des environs au grand hôpital des Caroubiers. La fièvre en Algérie est, de toutes les affections, la plus dangereuse ; deux ou trois accès de cette maladie suffisent souvent pour mettre l’homme le plus robuste aux portes du tombeau.

Rien n’est plus vert que la campagne de Bône ; la route qui conduit à l’oasis de Jussuf, bordée par d’immenses cactus couverts de fruits, par des oliviers et des caroubiers qui, groupés en désordre, forment des bosquets charmans, est embaumée par l’odeur de je ne sais quelle plante dont les exhalaisons se font surtout sentir vers le soir. — Dans nos promenades du côté des ruines d’Hippone, sur les bords de la Seybouse, nous rencontrions souvent des Arabes à cheval qui rapportaient en ville des peaux de lion fraîchement écorchées et pendues à l’arçon de leur selle. On dit qu’auprès du camp de Dréan et dans les bois qui avoisinent le lac Fezzara on trouve une grande quantité de ces animaux.

M. le duc de Nemours, grand amateur de natation, allait souvent avec nous se baigner dans la mer à l’ombre d’un grand rocher qui a tout-à-fait la forme d’un lion, et qui en porte le nom. C’était vers le soir et au soleil couchant que ces parties avaient lieu. Un jour un requin, qui fut signalé par notre maître-canotier, mit pendant quelques instans un peu de désordre parmi les nageurs, qui regagnèrent précipitamment le rivage, dont par bonheur aucun n’était éloigné.

Le 18, jour désigné pour une excursion aux environs, nous partîmes de bonne heure, M. le duc de Nemours et nous tous à cheval, avec un brigadier et quatre chasseurs d’escorte. Nous nous dirigeâmes d’abord vers l’est, en longeant la Seybouse. Après avoir traversé d’immenses plaines couvertes d’herbes desséchées, où nous tirâmes quelques sangliers, nous fîmes halte au milieu d’un douair de Beni-Urgin campés sous des figuiers et des cactus. Le prince leur ayant fait distribuer de l’argent, les femmes poussèrent aussitôt ce cri guttural et assourdissant bien connu de toutes les personnes qui ont visité l’Afrique, et qu’elles ne manquent jamais de faire entendre quand quelque circonstance extraordinaire vient à les émouvoir. Ce douair pouvait se composer de trois ou quatre familles. Les tentes étaient formées de vieilles couvertures rapiécées, tendues fort près de terre, et là-dessous couchaient pêle-mêle les hommes, les femmes, les enfans et les poules. Il y avait là aussi bon nombre de chiens qui aboyèrent beaucoup en nous voyant. C’est une espèce qui ressemble à notre chien de berger de petite taille. Quelques femmes de cette tribu nous parurent assez belles ; leur peau est bronzée, et leurs figures sont tatouées