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à l’armée comme ils avaient annoncé vouloir le faire, ils ne reparurent pas avant notre départ, et nous n’entendîmes plus parler d’eux.

Du haut du col, point culminant de la chaîne où nous avions bivouaqué, les regards se portaient au loin sur un pays très montagneux et d’une aridité complète. Le versant sud de cette partie de l’Atlas n’est pas comme les pentes septentrionales, qui, aux environs de Medjez-el-Hammar et jusqu’à Hannounah, sont couvertes de végétation. Depuis ce moment jusqu’à notre arrivée à Constantine, c’est-à-dire pendant cinq journées de marche, nous n’avons pas vu un seul arbre, et je pourrais presque dire une seule plante, si l’on n’exceptait quelques lauriers-roses rabougris et chétifs qui croissent dans le lit desséché des ruisseaux. C’est le pays le plus pelé qu’on puisse imaginer, et on n’y trouve que des chardons. Cet artichaud sauvage n’est pas dédaigné, dit-on, par la cuisine arabe, et couvre en abondance tout le pays ; nous en faisions couper le plus possible afin d’alimenter les feux de nos bivouacs et ménager notre bois.

On trouve à chaque pas des fontaines dans ce terrain d’une apparence si désolée, et une armée ne doit jamais être exposée à y souffrir de la soif. À une lieue environ de la rivière nommée Oued-Zenati, la brigade d’avant-garde reçut l’ordre de parquer son artillerie et ses prolonges pour attendre que les sapeurs du génie eussent terminé des travaux de réparation indispensables au passage des ravins. On adoucit des rampes, on consolida les gués par d’épaisses couches de pierres et de gros graviers. À 2 kilomètres de Sidi-Tamtam, lieu où nous devions passer la nuit, le génie fut obligé de travailler pendant deux heures, afin de rendre praticable à l’artillerie une pente raide et difficile. Nous passâmes en avant avec les zouaves, le 2e léger et notre cavalerie.

À l’extrême avant-garde, on aperçut quelques vedettes arabes sur les montagnes à notre droite, et dans la vallée près de l’Oued-Zenati une cinquantaine de cavaliers serrés en peloton que j’allai reconnaître et pus distinguer parfaitement avec ma lunette. Ils étaient placés en observation ; à notre approche, ils ne tardèrent pas à se mettre en mouvement et disparurent. Une demi-heure après nous étions dans une vaste plaine sur les bords de l’Oued-Zenati ; c’est la même rivière qui reçoit plus tard le nom de Seybouse et se jette dans la mer auprès de Bône. Quelques lauriers croissaient sur les berges. J’ai entendu dire souvent que cette plante communique des propriétés malfaisantes à la plupart des rivières de l’Afrique qui en baignent et lavent les racines.

Nous campâmes non loin de l’Oued auprès du marabout de Sidi-Tamtam, et formâmes un vaste carré suivant notre habitude. Sur