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le plateau où nous étions établis se trouvait un cimetière où plusieurs tombes fraîches nous indiquèrent les sépultures d’Arabes morts sans doute des blessures reçues à l’attaque du camp de Medjez-et-Hammar. Il faut marcher avec précaution sur ce sol perfide. Rien n’est plus facile pour un cavalier qui le traverse sans précautions que d’enfoncer avec son cheval dans des excavations quelquefois de deux ou trois mètres de profondeur. Le marabout avait été ruiné lors du passage de notre armée l’année précédente, et n’offrait d’ailleurs rien de remarquable. Le soir nous vîmes arriver la brigade Trézel, tout le matériel du génie et de l’artillerie, le convoi de l’administration, enfin les énormes pièces de 24, qui avaient franchi sans difficulté les passages où l’on craignait de les voir arrêtées, grace à ce brûlant soleil dont la vertu est de raffermir si vite les terrains les plus fangeux. Nous étions gais et satisfaits, dans cette soirée, de voir réunis autour de nous, sur l’immense plateau de Sidi-Tamtam, toutes les ressources de notre petite armée.

Vers quatre heures, quelques cavaliers ennemis se montrèrent sur les crêtes au-dessus de la rive droite de la rivière, ce qui n’empêcha pas les spahis d’aller fourrager de ce côté, tandis que 200 chevaux des chasseurs partaient au galop dans le même but et du côté opposé. Les zouaves eurent un engagement sans importance avec les Arabes de quelques douairs situés sur les versans des montagnes qui s’élevaient à notre gauche. Nos intrépides et agiles fantassins gravirent ces pentes rapides avec une aisance incroyable. On trouva dans les douairs quelques silos remplis d’orge dont les hommes rapportèrent plusieurs sacs. De son côté, notre cavalerie revint avec une riche provision de paille hachée.

Nous partîmes du bivouac de Sidi-Tamtam mardi 3 à sept heures, et nous nous avançâmes entre les collines qui enserrent la vallée où coule en serpentant l’Oued-Zenati. Pendant cette journée, nous trouvâmes moins d’eau. Nous avions quitté la montagne et la région des sources ; le lit de l’Oued-Zenati était lui-même souvent à sec. Aussitôt donc qu’il y avait moyen, on faisait boire les chevaux. Vers le soir, un immense horizon se déploya devant nous, et, après avoir traversé plusieurs défilés, l’armée s’avança dans une vaste plaine. De grands tas de paille brûlant de tous les côtés nous firent connaître la politique que notre ennemi était résolu à suivre en se retirant devant nous. Des cavaliers que nous aperçûmes fuyaient en tenant à la main des brandons allumés avec lesquels ils venaient de mettre le feu à ces énormes meules dont la fumée se répandait au loin dans la plaine. Nous lançâmes aussitôt