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des comitats. La question des droits à leur octroyer a été agitée par la diète de 1844 : les uns ont voulu qu’elles nommassent un représentant pour trois cents ames ; d’autres, un pour six cents ; d’autres, enfin, ont demandé que toute commune libre, sans égard à sa grandeur, pût avoir deux voix au comitat. La plupart ont objecté que ces communes sont encore trop soumises aux influences soit des seigneurs, soit des corporations, pour ne pas donner, en votant aux diétines, de dangereux exemples de servilité. En conséquence, la table des états ne leur a, dans son vote, accordé qu’une seule voix ; mais par cette résolution l’élément démocratique a du moins pris position dans les diétines.

Cette représentation nationale des communes libres paraîtra sans doute bien incomplète encore. Cependant les suites de cette première concession politique faite aux paysans sont incalculables. On peut dire que cette loi introduit un nouveau pouvoir dans la constitution hongroise, et fait entrevoir le jour où, de concessions en concessions, le peuple sera arrivé à la domination absolue des diétines, aujourd’hui encore exclusivement aristocratiques. Un autre article du plan de réforme des diétines appelle comme électeurs et éligibles dans ces assemblées comitales plusieurs catégories de capacités jusqu’ici oubliées, telles que les scribes ou notaires communaux de tous les villages, même de ceux où règne encore le servage. Il suit de là que, les scribes étant élus par leurs communes, les serfs eux-mêmes obtiendraient leur part d’influence dans l’administration générale du pays. Ainsi l’aristocratie se dépouille librement de ses privilèges en faveur du tiers-état, dont elle provoque l’avènement de tous ses efforts. Le gouvernement de l’Autriche n’en fait pas moins déclarer par ses journaux qu’il s’efforce vainement de faire abolir le servage par la noblesse de Hongrie.

Puisqu’elle est si pleine de sollicitude envers de pauvres villages de paysans, cette noblesse souveraine, dira-t-on, comble sans doute de ses faveurs les grandes cités ? Loin de là, nous voyons la table des états hongrois déclarer que les cités, avec leur système municipal actuel, sont indignes de recevoir une augmentation de droits, qu’avant d’y prétendre, elles et le gouvernement royal doivent réformer leur organisation. D’où vient cette étrange anomalie sociale ? De ce qu’il y a en Hongrie un combat de races, combat implacable, acharné. Ce combat résume, on peut le dire, celui qui existe depuis des siècles, entre l’Orient et l’Occident, entre le monde gréco-slave et le monde germanique, représentés sur le Danube par les populations indigènes