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et leurs jalouses rivales les colonies allemandes. Les quarante-neuf villes libres et royales de la Hongrie, peuplées en majorité d’Allemands et gardant avec obstination leurs mœurs étrangères, jouissent de privilèges si étendus, qu’elles sont comme de petites républiques. Ces cités forment dans l’état hongrois un élément anti-national : c’est le bras droit du maître, du conquérant germanique ; on conçoit que le patriotisme hongrois cherche à éliminer le plus possible ces quarante-neuf villes de la représentation du royaume. Il ne faut pas oublier que la Hongrie est encore une terre de liberté primitive et orientale ; c’est dire assez qu’elle repousse toute centralisation ; la hiérarchie féodale même n’y existe pas. Une société aussi simple ne pourrait, sans de graves inconvéniens, admettre dans son sein la bureaucratie compacte et minutieusement réglée qui soutient les pouvoirs allemands. Les députés des quarante-neuf villes libres ne seraient au fond dans la diète que les agens du cabinet aulique, les organes passifs de leurs bourguemestres et des corporations que régente la police autrichienne. Il faut que le mouvement d’émancipation ait envahi, comme il commence à le faire, jusqu’à ces cités royales, que les Allemands de la Hongrie soient devenus de bons patriotes, qu’ils ne soient plus dans leurs murs soumis directement à la police de Vienne, qu’ils puissent élire leurs magistrats et leurs représentans en dehors des influences de la chancellerie impériale : alors ces cités vraiment étrangères pourront recevoir l’indigénat ; mais jusqu’à ce que leur administration soit émancipée, elles ne peuvent entrer dans la diète sans péril pour les libertés de leur nouvelle patrie.

Les écrivains hongrois, qui se portent pour champions des villes reconnaissent eux-mêmes la nécessité d’affranchir leur administration intérieure de la tutelle écrasante des chancelleries de Vienne. De son côté, la noblesse acquiert de plus en plus la conviction qu’un pays où sur treize millions d’habitans cinq cent mille hommes seulement sont libres ne peut être regardé comme vraiment affranchi. Aussi tous ses efforts tendent-ils à faire surgir un puissant tiers-état, par l’abolition des monopoles et des abus innombrables que protège la royauté dans les villes. En un mot, si l’on s’oppose à l’admission de ces villes dans la représentation nationale, c’est parce qu’elles veulent s’y introduire sans briser leurs fers. L’Autriche ne doit pas l’oublier, les Hongrois, pour devenir un grand peuple et se régénérer, peuvent se passer du concours de leurs quarante-neuf villes libres. La race allemande veut-elle obtenir en Hongrie une influence légale, il faut d’abord qu’elle obtienne de Vienne la réforme de son système municipal. Alors elle