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espérait par les souvenirs glorieux de sa vie, et en leur rappela l’époque napoléonienne, électriser les magnats. Il se flattait d’obtenir pour cette loi tant désirée le même cri libérateur qu’arracha autrefois à la générosité hongroise l’infortune de Marie-Thérèse ; mais les magnats se sont souvenus que le fameux cri de moriamur pro rege nostro n’avait fait que consommer l’asservissement de leurs ancêtres. Aussi, quand le vénérable archiduc eut soulevé de nouveau la question d’impôt, les discours salariés de quelques orateurs ministériels, qui brûlaient de se signaler sous les yeux de leur chef, ne furent accueillis que par des huées universelles, et la diète se contenta de voter dédaigneusement un subside provisoire. Le lendemain l’archiduc prononçait la dissolution de l’assemblée, qui, après avoir écouté un pieux discours et reçu la bénédiction du primat de la Hongrie, se dispersa en mille directions dans les steppes héréditaires. L’Autriche, malgré sa défaite, n’en a pas moins fait annoncer par les principaux journaux de l’Europe que l’archiduc avait reçu des Maghyars les témoignages d’un dévouement enthousiaste.

Cette longue diète, où s’était révélé un si ardent amour pour le progrès et la liberté, avait duré dix-huit mois, pendant lesquels on voyait souvent les magnats, saisis, pour ainsi dire, d’une rage patriotique, s’acharner à débattre des lois de réforme, depuis le matin jusqu’à des heures avancées de la nuit. Plus de cent lois ont été élaborées et votées par la table des états, et quoiqu’elle en ait rejeté un certain nombre, la table des magnats en a admis la plus grande partie ; mais le gouvernement s’est refusé à les ratifier, et treize lois seulement ont été accueillies par l’empereur-roi. On s’afflige en voyant des efforts si gigantesques aboutir à un si mince résultat, et l’on se demande malgré soi jusques à quand le despotisme aura le pouvoir de paralyser ainsi les plus nobles efforts d’un peuple. La principale de ces treize lois signées par le roi de Hongrie est celle qui permet de substituer au latin, comme langue officielle, la langue maghyare dans tout le royaume pour la promulgation des lois, des ordonnances administratives, et même pour les simples sentences des tribunaux, sous la seule condition qu’à chacun de ces actes en maghyar soit jointe une traduction dans la langue populaire du pays où l’acte devra être publié. La résolution royale ajoute que les députés de la diète qui ne savent pas encore le maghyar pourront continuer de prononcer leurs discours en latin pendant six années, au bout desquelles aucun député ne siégera plus à la diète sans être capable d’interroger, de répondre et de voter en maghyar. La Croatie est seule dispensée