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virgiliennes et la politesse des tournures mêlées à des fautes de quantité grossières ; on voit que l’écrivain a étudié son Virgile avec quelque fruit : — Si quando cura subintrat… ut causoe ignaros palmoe sub imagine fallas… tenera lanugine comple !

Post varios pugnae strepitus ictusque tremendos,
Inter pocula scurrili certamine ludunt.
Francus ait : — Jam dehinc cervos agitabis, amice !
Quorum de corio wantis sine fine fruaris.
Ac dextram moneo tenerâ lanugine comple.
Ut causae ignaros palmae sub imagine fallas.
Wah ! sed quid dicis, quod ritum infringere gentis
Ac dextro femori gladium agglomerare videris, etc.[1].

Ces plaisanteries de haut goût s’écrivaient dans un autre canton germanique et lettré, à Saint-Gall, et le fond de ces belles choses, traduites par Eckehard Ier, au Xe siècle, peut-être corrigées par Eckehard IV, pour l’instruction des latinistes de son monastère (qui devaient y apprendre médiocrement la prosodie), remonte à une époque très ancienne. Quant à la forme du poème, tel que nous le possédons, c’est une des manifestations de la phase latine et élégante que nous avons signalée, et dont les drames de la religieuse de Gandersheim offrent le couronnement et l’expression la plus complète ; mais combien de délicatesse féminine, de grace et de pureté chez elle ! et quel contraste avec les tableaux grossiers et les scènes sauvages versifiés par le moine de Saint-Gall !

Que cette personne d’un si vrai talent fût quelque fille noble ou de sang royal, et que Hrosvita fût un surnom, nous ne nous en étonnerions pas à la manière simple et haute dont elle fait parler ses gens de cour et ses rois. A peine eut-elle ouvert et étudié Térence, le désir de transformer en drame ses lectures habituelles dut naître chez elle. Elle trouvait là plusieurs plaisirs à la fois : suivre la mode, satisfaire sa dévotion, inculquer de bons préceptes, cultiver un art nouveau pour lequel elle était faite, donner l’essor aux sentimens qui bouillonnaient dans cette ame vive et tendre, enfin s’occuper beaucoup des passions tout en les blâmant.

C’est là en effet un des charmes de ce livre ; une flamme ardente fait éruption, sort de la tombe monacale, et montre par intervalles le cœur de la femme, naïf et comprimé, dévoré d’ardeurs étouffées. Dans la préface, la religieuse ne peut s’empêcher déjà de parler des

  1. Vers 1423.