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de ses manières autant qu’à son rang. À Bordeaux surtout, le duc de Nemours et le duc d’Aumale ont été l’objet d’un véritable enthousiasme. Les amis de la royauté de juillet ne sauraient trop approuver ces voyages annuels, qui établissent entre les princes et le pays un contact utile, et resserrent les liens qui unissent la France à notre dynastie constitutionnelle.

Depuis quelques jours, le ministère du 29 octobre était à peu près oublié. On en parlait à peine dans les journaux ; les feuilles ministérielles avaient cessé de chanter ses louanges, et l’opposition avait cessé de l’attaquer. Il paraît que cette indifférence n’a pas été du goût de M. Guizot. C’est elle, sans doute, qui nous a valu le discours que l’illustre député du Calvados vient de prononcer à Saint-Pierre-sur-Dives. Soyons justes envers M. Guizot, son discours est modéré et habile. Les louanges qu’il s’adresse à lui-même valent mieux, sans contredit, que celles de ses journaux. Elles sont de meilleur style et de meilleur goût. M. Guizot commence par déclarer qu’il ne se plaint pas du langage de l’opposition, qu’il accepte la liberté de la presse politique avec tous ses écarts, que l’injustice et la violence des partis sont la condition de l’homme d’état dans un pays libre. M. Guizot a parfaitement raison de tenir un pareil langage, d’autant plus que cette générosité qu’il montre envers ses adversaires, d’autres l’ont exercée envers lui-même. M. Guizot n’a pas toujours été ministre ; hors du ministère, il n’a pas toujours été ministériel, et dans l’opposition il n’a pas toujours été modéré : plus d’une fois il s’est passé ses fantaisies. Il est juste qu’il accorde aux autres les libertés qu’il s’est données. M. Guizot, en faisant l’éloge de son ministère, n’est entré dans aucun détail ; il s’est contenté de faire une allusion aux deux actes diplomatiques qui ont terminé heureusement la session. Nous louons cette réserve, qui prouve sans doute que M. Guizot connaît très bien les côtés faibles de sa politique, et qu’il n’a pas jugé utile de les mettre en relief, même en présence des électeurs du Calvados. M. le ministre des affaires étrangères a vanté les résultats généraux obtenus depuis 1830. Sans doute il ne veut pas en attribuer la gloire à lui seul ; il consent à partager l’éloge avec les hommes d’état qui ont partagé sa tâche. À cette condition, nous souscrivons encore à cette partie du discours de M. Guizot. Un seul point nous semble attaquable dans ce discours. M. Guizot invoque l’appui qu’il a reçu du parti conservateur ; il parle de l’adhésion donnée à son système, à sa politique. Ici, M. le ministre des affaires étrangères nous parait commettre une erreur. Ce n’est pas précisément la politique du 29 octobre qui a triomphé depuis cinq ans devant les chambres. Le ministère n’a duré, n’a réussi qu’en sacrifiant ses propres opinions à celles de la majorité, et en pratiquant une politique qui n’était pas toujours la sienne. C’est un fait que l’opposition a mille fois démontré. À part cette erreur, nous approuvons pleinement le discours de M. Guizot, et nous le louons surtout d’être modeste ; bien entendu qu’en parlant de la modestie de M. Guizot, nous sommes persuadés qu’il n’est point complice de l’allocution que l’honorable maire de Saint-Pierre-sur-Dives lui a adressée, merveilleux morceau d’éloquence municipale,