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les énormités sociales de Vittoria Accorombona ; mais cette ingénieuse tactique n’a trompé personne. M. Tieck est demeuré, aux yeux de tous, le plus insouciant des conteurs. On a même vu, chose singulière ! un homme grave, un professeur de l’université de Breslau, M. Braniss, écrire, pour la seconde édition de Vittoria un commentaire philosophique, où il célèbre les beautés du texte, et les oppose à l’esthétique de Hegel et de ses disciples. Ces faits curieux montrent bien que le spirituel vieillard est encore un des noms les plus agités par la littérature contemporaine, quoiqu’il y représente une école un peu abandonnée.

Les romans de la jeune Allemagne ont fait tant de bruit de 1833 à 1837, M. Gutzkow, M. Laube, M. Mundt, M. Willkomm, ont si souvent distrait l’opinion publique, qu’ils ont caché pendant quelque temps la marche continue des lettres et les œuvres plus calmes, plus désintéressées, qui se produisaient à l’entour. Le roman historique, entrepris, il y a déjà une vingtaine d’années, par d’habiles écrivains qu’enflammait le succès de Walter Scott, était poursuivi, avec des chances diverses, par des talens très dignes d’estime. En 1824, un jeune écrivain, M. Wilhelm Haering, avait débuté, à la suite d’un pari, par un roman attribué à l’auteur d’Ivanhoe, et il était parvenu à tromper le public ravi ; depuis, M. Haering a continué d’appliquer son imagination à la peinture des siècles écoulés, en s’accordant plus de liberté que ne lui en laissait cette gageure gagnée si habilement. Un des romanciers les plus en honneur au-delà du Rhin, M. Spindler, s’est fait dans le roman historique une réputation déjà ancienne et qui paraît assez solidement établie. Parmi ses nombreuses compositions, le Bâtard (1826), qui retrace avec vigueur la situation des peuples germaniques au temps de Rodolphe II ; le Juif (1827), où l’auteur a donné une énergique peinture du XVe siècle allemand ; le Jésuite (1828), tableau vif et original de la première moitié du XVIIIe siècle, ont mérité d’être placés au rang des œuvres durables que cite et recommande souvent la critique. Depuis ce temps, la fécondité de l’auteur n’a pas diminué ; si sa verve s’est un peu affaiblie à la longue, il a retrouvé cependant, quand il l’a voulu, d’heureuses inspirations, dans la Nonne de Gnadenzell (1833), dans le Roi de Sion (1840), et, chose toujours difficile, il a maintenu son rang. Tandis que le roman historique prenait faveur, d’autres écrivains s’essayaient à reproduire l’esprit de leur temps dans des compositions brillantes ; c’est ce que fit un romancier, un publiciste très distingué, M. Henri Koenig, membre de la chambre des députés du grand-duché de Hesse. La noble Fiancée,