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Une seconde expédition, tentée en 1843, ne fut pas plus heureuse. Depuis ce temps, et malgré l’insuccès de ces deux tentatives, l’ambition américaine ne s’est point découragée. L’influence des États-Unis fait chaque jour de rapides progrès dans les départemens du Nouveau-Mexique et de Chihuahua. Tout concourt à hâter ces progrès, les tergiversations du gouvernement mexicain, l’attitude des populations sauvages, qui deviennent de plus en plus redoutables, l’affluence des citoyens de l’Union qu’amènent les caravanes parties d’indépendance. Les députés, les sénateurs de ces deux départemens, ne cachent ni l’espérance qu’ils nourrissent de se voir bientôt annexés à l’Union, ni les efforts qu’ils font pour arriver à ce but[1].

A peu près à la même époque, le Yucatan, travaillé aussi par la politique des États-Unis, essaya de secouer le joug du gouvernement central de Mexico. Les Américains lui vinrent encore en aide sous le pavillon texien. De la Nouvelle-Orléans, de Galveston, partirent des navires chargés d’armes, de munitions et de soldats. De nombreux corsaires arborant les couleurs du Texas s’élancèrent dans les eaux du golfe pour courir sus aux bâtimens mexicains. Là encore l’influence américaine prévalut. Après deux ans de guerre, le Yucatan signa avec Mexico un traité qui le détachait à jamais de la famille des peuples de la Nouvelle-Espagne, et préparait les voies à une annexion comme celle du Texas. Par ce traité, les Yucatèques consentaient à garder le pavillon mexicain, mais à la condition de se gouverner eux-mêmes à l’avenir et d’imposer à leur gré les marchandises venant du Mexique, sans que le Mexique conservât la même liberté à l’égard des leurs. En cas de guerre, le gouvernement de la république ne pouvait exiger d’eux ni subsides ni armée, bien qu’il s’engageât à leur fournir un corps de troupes, si leur indépendance était menacée par une autre puissance. Les Yucatèques continueraient à envoyer des députés au congrès de Mexico, mais ils ne prendraient des lois votées que celles qui leur paraîtraient conformes à leurs besoins ; les autres cesseraient d’être obligatoires pour eux. Dès les premiers mois de 1845, le gouvernement mexicain avait violé ce traité en frappant de droits exorbitans les sucres du Yucatan, sous prétexte qu’ils venaient de l’île de Cuba. Il fournissait ainsi un premier prétexte à la rupture préparée par les États-Unis. On a entendu, cette même année, à Jalapa des députés yucatèques qui s’en retournaient dans leur pays dire hautement qu’ils allaient se jeter dans les bras de l’Union, puisque la république refusait de tenir les engagemens contractés envers eux.

Fidèles à leur politique, aidés par le libre concours des populations, les États-Unis, en provoquant des conflits dont ils profitaient une fois les faits accomplis, avaient donc réussi à conquérir pacifiquement le Texas ; ils avaient préparé le Yucatan, le Nouveau-Mexique, Chihuahua, à recevoir leurs lois.

  1. Je m’appuie ici, comme dans l’ensemble de ce travail, sur les renseignemens que j’ai pu recueillir, durant un séjour de cinq années au Mexique, dans des relations fréquentes et des conversations intimes avec les principaux habitans du pays.