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dire à notre consul que sa démarche était regardée comme non avenue, puisque, n’ayant qu’un caractère purement commercial, il se mêlait de ce qui ne le regardait pas. Cependant les étrangers de toutes nations établis à Mazatlan n’avaient pu voir sans indignation les incroyables violences dont notre compatriote avait été victime. Une lettre publiée par le Courrier Français de Mexico, et qui rendait compte de l’évènement, portait plus de trente signatures respectables, parmi lesquelles figuraient même les noms de quelques négocians mexicains. La chambre des députés ne put faire autrement que de s’occuper d’un fait aussi scandaleux ; M. Gomez Pedrasa retraça à la tribune l’odieuse conduite de l’officier de Mazatlan, il flétrit en même temps les massacres de Tabasco, et demanda ce que le monde civilisé penserait du Mexique en apprenant des actes semblables ! Appuyé des députés Llaca, Alas et de tous les membres éclairés du congrès, il proposa que le ministère ordonnât une enquête, et que le coupable, s’il y en avait un, fût immédiatement puni. L’auteur de l’attentat fut en effet condamné à huit ans de fer et à la dégradation ; mais ce n’était là qu’une satisfaction accordée à la pudeur publique, et on se hâta de le laisser évader.

Bien des difficultés compliquaient, on le voit, les relations de la France avec le Mexique, lorsque la révolution de 1844 renversa Santa-Anna, en appelant au pouvoir des hommes d’une modération connue. M. de Cyprey saisit alors avec empressement l’occasion de terminer ces querelles ; il fut le premier à complimenter le nouveau président Herrera ; il lui témoigna, en audience solennelle, le désir qu’il avait de voir des relations amicales remplacer les relations pénibles qu’il avait eues avec le gouvernement déchu, et protesta de son oubli du passé. Le général-président répondit dans le même sens au nom du Mexique ; mais ses paroles ne trompèrent personne. Si on ne doutait pas de la mansuétude du général Herrera, on connaissait aussi l’exaspération des Mexicains ; l’on savait que le général Garcia Conde et les autres membres du cabinet sorti de la révolution détestaient les Français. Malgré la patience qu’apportait M. de Cyprey dans les négociations, il ne parvint pas à arracher au ministère la promesse d’une indemnité pour nos compatriotes lésés dans leurs intérêts par le gouvernement mexicain.

Quelques mois après, un nouvel attentat, commis sur un secrétaire de notre légation, venait rendre toute conciliation impossible. Pour quiconque a visité le Mexique depuis la guerre de la Vera-Cruz, ce résultat était prévu. Bien avant le fâcheux incident qui a entraîné une rupture définitive, nos relations amicales avaient cessé avec la république. Les Mexicains ne pouvaient point nous pardonner d’avoir pris Saint-Jean d’Ulloa, désarmé Vera-Cruz, et conclu un traité de paix sans avantages pour nous. Ce peuple, qui massacre ses prisonniers de guerre, ne comprend pas que l’on épargne volontairement un ennemi vaincu. Il nous croit faibles, et nous défie, car dans notre générosité il ne voit qu’une défaite ; c’est là tout le secret de son courage. La France se trouve, vis-à-vis du Mexique, dans la position qu’elle y est faite vis-à-vis de