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S’il n’a pas de chef parmi les militaires, le fédéralisme compte dans ses rangs tout ce qu’il y a d’hommes distingués dans le barreau, le commerce et la bourgeoisie. À cette opinion appartiennent les membres les plus éloquens du congrès : Gourez Farias, Gourez Pedrasa, Alas, del Castillo, de la Cortina. Dans les provinces du centre, elle est noblement représentée par l’illustre famille des Garcia de Zacatecas ; par les Peña, les Verdia, les Vergara, à Guadalajara ; par les Echevarria, les Castro, à Durango ; dans le nord enfin, par les Arbides et une foule d’autres familles, qui toutes entraînent de nombreuses populations à leur suite. Les élections libres de 1841 ont montré de quelles forces pourrait disposer ce parti ; elles envoyèrent aux chambres une si grande majorité fédéraliste, que Santa-Anna se vit contraint de dissoudre le congrès, sous peine de succomber. En 1842, de nouvelles élections eurent lieu sous l’influence directe du dictateur ; dans plusieurs chefs-lieux de département, à Chihuahua notamment, les électeurs délibérèrent sous le canon. Cependant la majorité de la chambre fut encore libérale, et Santa-Anna fut renversé. Si la fédération ne put pas dès-lors s’établir, il n’en faut accuser que les obstacles qui ont enlevé jusqu’à ce jour à l’opinion libérale le concours de l’armée et des capitalistes.

Dans beaucoup de provinces, le fédéralisme peut compter sur l’appui des classes inférieures. Les leperos de Jalisco chantent dans leurs fêtes populaires les louanges de la fédération, qu’ils désignent par un de ces diminutifs d’affection que la langue espagnole est seule capable d’inventer. Guanahuato, Zacateeas, Sonora, Sinaloa, le Nouveau-Mexique, Chihuahua et Tampico se sont prononcés hautement pour la fédération ; toutes les provinces éclairées, toutes celles dont le contact avec les étrangers est plus fréquent, ne cessent d’émettre des vieux pour le rétablissement de ce système. L’absolutisme s’est réfugié dans les provinces centrales, où domine le clergé, où règnent par conséquent l’ignorance et le fanatisme. Ainsi Aguascalientes, San-Luis Potosi, Lagos, tiennent toujours pour le centralisme ; mais ces provinces ne forment, après tout, qu’une minorité.

Cependant, pour que le parti fédéraliste puisse rétablir l’ordre au Mexique, il faut, nous l’avons dit, qu’il soit dirigé par une force étrangère aux passions du pays ; il faut qu’il soit garanti de ses propres excès, et protégé contre lui-même, si l’on ne veut le voir frappé à son tour d’impuissance par les défauts du caractère national. Les fédéralistes ne se dissimulent pas cette situation, et tous les partis en général sont convaincus que le remède aux maux de la nation ne peut pas venir d’eux seuls ; ils s’agitent, tournent de tous côtés leurs regards pour voir d’où leur viendra le messie de l’ordre et de la liberté : ils l’ont vainement cherché dans leurs rangs jusqu’à ce jour. Les provinces septentrionales l’attendent maintenant des États-Unis, celles de l’ouest et du sud d’une scission qui les mettrait dans la situation où se trouvent déjà Guatemala et les petites républiques de l’Amérique centrale, c&#x2019 ; est-à-dire dans un état pire que l’état présent. Aucune n’attend son salut