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France, huit à neuf cents trappeurs et chasseurs. Les États-Unis, de leur côté, y ont une population d’environ quatre mille cultivateurs ; mais, quand quelques-uns d’entre eux veulent aussi faire le commerce lucratif des fourrures, les agens anglais viennent s’établir auprès d’eux, leur font une concurrence ruineuse, et les chassent du marché. Or, les Américains calculent avec envie que la compagnie d’Hudson-Bay se faisait, dès 1828, près de 25 millions par an avec ce commerce, et que ses actions étaient déjà à cette époque à 140 pour 100 au-dessus de leur valeur. Ils calculent aussi que, plus ils attendent, plus ils perdent, car les Anglais épuisent la mine qu’ils ont si long-temps exploitée sans partage.

Les états de l’ouest feront donc tous leurs efforts pour entraîner ceux du nord et du sud dans leur querelle. Ils ont tout à gagner à la guerre, et rien à perdre. En effet, ils sont placés loin dans les terres ; ce n’est pas sur eux que pourra tomber une invasion : ils n’ont pas à craindre de voir brûler leurs ports, ils n’en ont pas ; de voir ruiner leur commerce, ils sont cultivateurs. Ils n’auront pas même à payer les frais de guerre, car ce sont les états commerciaux qui supportent les taxes. Toutes ces considérations, qui poussent les états de l’ouest, auront sans doute aussi pour effet de retenir les autres ; mais cet équilibre ne saurait durer bien long-temps. L’élément démocratique a pris depuis ces dernières années en Amérique une prépondérance qui ne présage que des dangers croissans pour le maintien de la paix. S’il y a encore dans l’Union un parti d’hommes sages et modérés qui résistent autant que possible à cet entraînement, ce parti perd du terrain chaque année : chaque élection successive à la présidence fait faire un pas de plus à la démocratie pure, et donne au représentant de l’Union une couleur radicale plus tranchée. Les modérés se sont long-temps opposés à l’annexion du Texas, et ils ont fini par s’y rallier ; le même courant les entraînera tôt ou tard, ou bien les submergera.

Une révolution ministérielle en Angleterre, une émotion administrative en France, tels sont les évènemens qui préludent à la session qui va s’ouvrir. Si la retraite de sir Robert Peel doit avoir un contre-coup dans la politique française, la réforme du conseil royal de l’instruction publique donnera lieu certainement à de vifs débats dans notre parlement. Cette réforme est une question grave dans laquelle nous chercherons avec sincérité à discerner le vrai. À l’égard de l’université, nos sentimens ne sauraient être douteux pour personne. Nous considérons l’université comme une des institutions fondamentales du pays, comme la personnification de l’état répandant sur la jeunesse les bienfaits de l’éducation et de la science. Quand nous avons constamment défendu cette grande institution, nous n’avons pas tant obéi à des sympathies universitaires qu’à des convictions politiques : aussi tout ce qui pourra concourir à l’affermissement de l’édifice élevé par la main de Napoléon aura notre adhésion franche, et, en la donnant, nous ne ferons qu’exprimer la pensée de nos amis, des hommes éminens qui, dans le conseil