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REVUE. — CHRONIQUE.

beurs. Ce digne ecclésiastique, le premier levé, préside à tous les actes de la vie de ces enfans ; il mange à leur table, sans permettre qu’on déroge en rien pour lui à leur régime frugal. Il partage tous leurs travaux, et, mêlant toujours l’exemple au précepte, il rend leur tâche plus facile et plus agréable. D’une bonté qu’on ne saurait rendre, d’un courage, d’une activité qui dépassent souvent ses forces, il donne, avec une simplicité évangélique, l’exemple des plus rares vertus. Que n’est-on pas en droit d’attendre de l’éducation de ces enfans, confiée à un tel homme ? Aussi, n’hésitons-nous pas à le dire, d’excellens résultats témoignent déjà de l’influence salutaire qu’exerce un tel exemple. Les jeunes colons sont tous instruits dans la proportion de leur âge et dans le cercle peu étendu qu’il leur est donné de parcourir. Des lectures journalières, des livres saints découle naturellement l’enseignement moral et religieux. Faut-il dire que des enfans ainsi élevés sont heureux, que leurs jeunes et frais visages sont rians et sereins, que rien, à Saint-Firmin, ne sent la gêne ou la rigueur, qu’on se croirait au sein d’une grande famille, tant l’obéissance est facile, tant la discipline est douce ? Ces résultats, on les doit à l’admirable dévouement de M. Caulle, et ce dévouement, comme il arrive toujours, en a fait naître d’autres qui, pour n’être pas sur le premier rang, n’en ont pas moins leur mérite, et n’en sont ni moins louables ni moins touchans. On nous permettra de citer les noms des premiers frères laïques qui sont venus seconder les efforts de M. l’abbé Caulle : M. Provost, vieil agriculteur qu’une longue expérience rend précieux à la colonie, MM. Philippe et Chaumont, qui ont tous deux payé leur dette à la patrie dans les rangs de l’armée, se sont, ainsi que le directeur, voués à l’éducation des pupilles de la société. Comme M. l’abbé Caulle, aucun travail ne les rebute, aucune fatigue ne les effraie. Souvent, après avoir fait la classe aux enfans, nous les avons vus, courbés sous le poids de leurs lourds fardeaux, traverser les cours de la ferme, ou, conduisant la charrue d’une main habile, confirmer par cet enseignement pratique la théorie qu’ils développaient en peu de mots.

Nul ne s’étonnera qu’avec un personnel si heureusement trouvé, initié à la pratique de l’éducation, rompu aux habitudes d’une vie austère et laborieuse, on ait obtenu à Saint-Firmin les meilleurs résultats. À cet égard, déjà les prévisions des fondateurs sont réalisées ; il en sera de même, on espère du moins, en ce qui concerne la partie financière de cette généreuse entreprise. Au Mesnil-Saint-Firmin, aucun luxe, rien à retrancher, rien à ajouter : la vie des champs dans son agreste simplicité, avec ses rudes travaux, mais aussi avec ses plaisirs purs, son calme profond, son bonheur facile. La plus grande économie préside aux dépenses, comme la charité la plus ingénieuse pourvoit aux recettes. Chaque enfant coûte environ 50 centimes par jour ; le bénéfice du travail des enfans ne peut pas encore être apprécié avec une exactitude rigoureuse, par la raison qu’ils ont été, jusqu’à présent, des apprentis plutôt que des ouvriers ; on peut cependant estimer leur travail à 20 centimes l’un dans l’autre. Le temps n’est pas loin où la co-