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s’intéressaient aux novateurs, les uns en haine de Rome, les autres par des motifs sérieux, tout-à-fait chrétiens, et parce qu’ils croyaient découvrir dans cette tentative un véritable essor de l’esprit religieux. Ajoutez à cela les libéraux, les jurisconsultes, moins confians que les théologiens, et qui voyaient là surtout un fait politique, un mouvement utile à l’unité future de l’Allemagne. Si l’on réfléchit à tant de causes de succès, on ne s’étonnera plus de la marche rapide des dissidens.

La Saxe d’abord, ce vieux foyer du luthéranisme, les attendait et les appelait. C’est là qu’étaient leurs défenseurs : les journaux de Dresde et de Leipsig, la Gazette universelle allemande et les Feuilles patriotiques de Saxe, s’étaient constitués l’organe officiel, le moniteur de la révolution religieuse. Dans leur ferveur, ces Saxons exagéraient tout et croyaient assister de bonne foi à une conclusion glorieuse de l’œuvre de Luther. Le concile de Leipsig fut l’occasion de fêtes sans nombre. L’université de Halle, toute voisine de Leipsig, envoya ses députés aux membres du concile pour les inviter à un banquet solennel ; la Saxe et la Prusse fraternisaient. Un grand nombre de professeurs, M. Germar, M. Niemeyer, M. Eckstein, M. Schwarz, prirent la parole. Ce dernier, docteur en théologie, ne craignit pas de déclarer que la révolution présente lui paraissait très supérieure à la réforme. Un philosophe, un des plus anciens disciples de Hegel, M. Hinrichs, professeur à Halle, lut quelques fragmens d’un livre qu’il préparait sur les évènemens de Laurahütte et de Schneidemühl. La classe ouvrière était aussi représentée à cette fête ; les compagnons brasseurs, les boulangers, coudoyaient les docteurs en droit, les licenciés en théologie, les graves philosophes hégéliens. La philosophie de Hegel n’avait jamais été si accessible. Les esprits étaient sous le charme des plus folles illusions, illusions naïves chez les uns, factices chez les autres ; mais enfin tout ce mouvement contribuait à accroître au loin le bruit de l’église nouvelle. On publiait avec emphase les relations de ces fêtes ; les discours de M. Schwarz, de M. Hinrichs, étaient jetés à tous les échos, et M. Ronge devenait décidément un personnage. La constitution saxonne, il est vrai, ne reconnaît que trois cultes, la religion catholique et les religions luthérienne et réformée ; le culte nouveau ne fut pas autorisé, et les dissidens ne purent, comme en Prusse, former des paroisses. Ce qui était grave toutefois, c’était l’assentiment du peuple et les adhésions confuses, diverses, qui arrivaient de mille côtés.

La secte se répandait toujours ; elle pénétra bientôt dans la Hesse