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M. de Bourgoing, a tenu un tout autre langage à M. de Beust ; il s’est appliqué à détruire l’effet de ces mauvais conseils ; il lui a dit de recommander au ministère saxon le calme, la prudence, cette prudence si nécessaire dans toutes les questions religieuses, et indispensable surtout à une dynastie dont la religion n’est pas la religion nationale. Ces sages paroles arrivaient très à propos ; la cour de Dresde était toujours irritée ; on prétend que le ministre de la guerre, M. le général de Nostitz, avait dit, en parlant des amis des lumières : Il faut les broyer, sie zermalmen. Quelques jours après, comme il passait dans la rue, des gens du peuple, le reconnaissant, criaient : Voilà le broyeur ! Des troupes cependant arrivaient chaque jour à Dresde ; on pouvait croire à une collision prochaine, et cela était bien grave, car, si la force, armée et le peuple avaient dû en venir aux mains, la dynastie jouait son existence. Le roi est aimé, mais la reine est très impopulaire ; quant au prince Jean, le peuple saxon, qui se défiait de lui, semble avoir passé de la défiance à la haine.

Vers la même époque, au mois d’août, il se passa en Prusse un évènement d’une médiocre importance, mais qui montre bien le progrès de tous ces mouvemens religieux ou politiques, auxquels on n’osait plus déjà résister de front. Malgré une défense expresse, les dissidens s’étaient réunis dans une église de Waldbourg en Silésie. Quelle mesure devait-on prendre ? L’affaire fut portée au conseil des ministres. M. de Bodelschwing fut d’avis qu’on ne pouvait reculer. Il fallait, disait-il, que l’ordonnance royale fût respectée ; il fallait absolument les faire sortir de l’église, dût-on employer mille baïonnettes pour les y contraindre. C’était aussi l’avis de M. de Savigny. Alors le ministre de la guerre, M. de Boyen, si respectable par son âge et sa longue expérience, se leva et dit : « Vous demandez mille baïonnettes, et moi je vous déclare que je ne vous en accorderai pas une seule pour une mesure aussi désastreuse. » M. de Boyen fut vivement soutenu par un membre du cabinet, M. de Flottwell, qui s’écria : « Point de guerres de religion, et que Dieu nous garde d’en donner jamais le signal ! »

Le roi de Prusse est allé à Munich au mois d’août ; il n’est pas probable cependant que l’influence du roi Louis ait été grande sur Frédéric-Guillaume ; il y a trop de rivalité, trop d’aigreur entre les deux cours. Je crois volontiers que le séjour du roi de Prusse à Munich, s’il se fût prolongé, eût été favorable aux différentes sectes religieuses. On m’assure, en effet, et ceci ne m’étonne pas, que Frédéric-Guillaume, en quittant la Bavière, avait l’intention bien arrêtée de donner