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conde, que le ministère actuel avait conçue, mais devant laquelle un obstacle parlementaire l’a fait reculer. Tout moyen de rapprochement entre la France, et la Belgique doit être favorisé dans l’intérêt de notre dynastie et de notre révolution. À ce titre, nous pensons que la convention du 16 juillet doit être renouvelée. Toutefois, nous voudrions que le gouvernement français profitât de cette circonstance pour assurer à notre pays un avantage qui lui est bien dû, en retour des services signalés qu’il a rendus au gouvernement de Bruxelles. Cet avantage, tout le monde le sait, c’est l’extinction de la contrefaçon belge. Quelles seraient aujourd’hui les difficultés insurmontables qui empêcheraient le succès d’une pareille démarche ? L’âge d’or de la contrefaçon belge et passé. Aux bénéfices immenses qu’elle procurait, il y a plusieurs années, ont succédé la gêne, l’encombrement, les embarras de la concurrence intérieure, et la crainte d’une crise toujours imminente. Le mouvement de la production ne s’est pas ralenti ; mais c’est un mouvement aveugle et stérile. En un mot, la contrefaçon belge ruine la librairie française sans enrichir la Belgique. À Bruxelles même, elle a des adversaires déclarés. Plus d’un écrivain belge rougit de cette exploitation immorale, de cette contrebande exercée à ciel ouvert au détriment de la propriété intellectuelle. Là, comme partout ailleurs, une réaction favorable s’opère contre cet indigne trafic. Le gouvernement français doit profiter de cette réaction. Il le doit au nom des lettres françaises, dont les intérêts sont si cruellement lésés ; il le doit surtout au nom de la civilisation intellectuelle, dont la France est en Europe l’expression la plus vivante et le type le plus avancé. La Belgique est la patrie de la contrefaçon littéraire ; c’est là surtout qu’il faut s’attacher à la détruire. Chassée de Bruxelles, la contrefaçon ira, dit-on, s’implanter ailleurs. Elle s’établit en ce moment à Barcelone ; elle ira dans d’autres villes, elle ira partout où elle rencontrera des capitaux pour la nourrir et un gouvernement pour la protéger ! Qu’importe ? Si la contrefaçon, exilée de Bruxelles comme elle l’a été naguère de Turin, se réfugie ailleurs, on la poursuivra, on la stygmatisera partout, on soulèvera contre elle la loyauté des gouvernemens et la justice des populations. C’est une mission qu’un gouvernement comme celui de la France peut entreprendre, et où il serait glorieux pour lui de réussir. On assure que le roi Léopold va venir à Paris pour presser le renouvellement de la convention belge. Sa présence serait un motif de plus pour entamer la négociation que nous conseillons au ministère.

Le grand conseil de Berne a rendu la décision que l’on avait prévue. À la majorité de 137 voix contre 42, il a approuvé les conclusions du rapport présenté par le conseil exécutif. Il a donné au gouvernement un vote de confiance, et a promis nettement son concours à un régime légal et régulier. La discussion a été vive, dit-on, dans le conseil, et le parti radical y a trouvé des défenseurs irrités. La loyauté et la bonne foi ont été invoquées contre un gouvernement parjure, qui se proclame aujourd’hui l’adversaire des corps francs, après avoir été depuis un an leur instigateur et leur complice ; mais ces récriminations n’ont pas eu de succès.