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tion française avoue qu’il ne connaissait pas les forces de l’ennemi ; peut-être, dans cette situation, son devoir eût-il été de consulter la prudence plutôt que son courage, et de ne pas s’aventurer dans une entreprise dont il ne pouvait prévoir l’issue. Quoi qu’il en soit, nos marins ont bravement combattu, et leur conduite n’a mérité que des éloges. Plusieurs journaux ont regretté que le commandant français ait cru pouvoir, dans cette sanglante affaire, unir son pavillon avec celui de la marine britannique. C’est une susceptibilité que nous ne partageons pas. D’abord, tout prouve que l’union des deux marines a été purement fortuite. Soumis aux mêmes vexations par les autorités sauvages de Madagascar, des sujets français et anglais ont porté plainte en même temps devant les commandans de leurs stations respectives, qui ont envoyé aussitôt des forces pour les protéger. Réunis par une même offense, les deux pavillons se sont concertés pour en obtenir la réparation quoi de plus naturel ? Chacune des deux nations ne pouvait empêcher l’autre de se faire justice ; la cause était commune, dès-lors il était tout simple que les deux pavillons, accidentellement réunis, s’entendissent pour combiner leur attaque. Il est très vrai que de pareilles associations, quoique spontanées, peuvent avoir des inconvéniens : elles peuvent amener des faits imprévus, par suite desquels les gouvernemens, engagés à leur insu, se trouvent forcés d’accepter une situation fausse ; mais, puisque, cette fois, l’union des deux marines n’a produit que des résultats favorables à l’intimité des deux peuples, pourquoi exprimerait-on de si vifs regrets ? Nous serions plutôt disposés, pour notre part, à nous féliciter d’un évènement qui présente un heureux contraste avec tous les souvenirs qu’a laissés la rivalité séculaire des deux nations. Ces deux marines agissant de concert, sans ordre de leurs gouvernemens, ces deux pavillons animés du même esprit et du même courage ; ce sang versé en commun, ces témoignages d’estime et de sympathie réciproques donnés après le combat, tout cela nous semble un symptôme rassurant que les amis de l’humanité doivent accueillir avec confiance. Ce n’est pas une raison, d’ailleurs, pour que le gouvernement français se sente gêné le moins du monde vis-à-vis de l’Angleterre au sujet de la vengeance exercer sur les Ovas. Notre gouvernement demeure complètement libre sous ce rapport, et s’il ordonne, comme cela n’est pas douteux, une expédition contre Tamatave, il fera bien de devancer l’Angleterre, afin qu’on ne puisse pas dire que l’ancienne souveraineté de la Franuce a été éclipsée sur ces parages.

Les dernières nouvelles de Montévidéo et de Buenos-Ayres nous apprennent que les plénipotentiaires français et anglais ont enjoint à Rosas, dans un ultimatum, de retirer ses troupes du territoire oriental, et son escadre du port de Montévidéo. Dès que le territoire et les ports seront libres, les résidens étrangers qui ont pris part à la lutte déposeront les armes. Si Rosas refuse, les flottes combinées devront employer la force pour le contraindre à céder.

Nous ne pouvons qu’approuver cette démonstration énergique, et nous souhaitons qu’elle obtienne tout le succès qu&rsquo ; on paraît en attendre. Toute-