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le soupçon et exposer la conscience. La magistrature elle-même, si pure, si religieusement honnête, est l’objet de pareilles interdictions. Le juge ne peut acheter des biens qui se vendent à l’audience de son tribunal ; il est tenu de se récuser toutes les fois que des relations avec un plaideur, définies par la loi avec un soin presque blessant, peuvent mettre en question la liberté de son jugement. Des dispositions analogues sont établies dans d’autres branches du service. Il est défendu aux consuls, préposés à la surveillance et à la protection des commerçans leurs concitoyens, de faire eux-mêmes le commerce directement ou indirectement, sous peine de révocation. Même défense aux employés des postes et des contributions indirectes, qui pourraient faire tourner au profit d’une concurrence déloyale les secrets ou le pouvoir dont ils sont dépositaires. On exige des conseillers de préfecture pris dans le barreau qu’ils ne se chargent d’aucun procès où les intérêts des communes seraient engagés. Dans les services qui obligent à constater et à poursuivre des infractions, on évite de placer les agens au sein de leur famille ; on ne veut pas que le devoir du fonctionnaire ait jamais à lutter contre le dévouement du parent. Tout est mis ainsi mis en œuvre afin que la délicatesse ne soit jamais tentée de faillir et qu’aucun doute injurieux ne flétrisse le caractère de l’homme public. Ces précautions ne peuvent être portées trop loin. Aucune corruption n’est plus détestable que celle des délégués de l’état : elle déshonore le pouvoir, altère les mœurs publiques, et tourne contre les intérêts privés les forces créées pour le protéger Nos lois lui ont réservé des sévérités exceptionnelles ; mais un pouvoir sage, en prévenant le mal, s’épargne la douleur de le punir, et malheur à l’administration qui ne trouverait sa sauvegarde que dans la répression des lois ! Nous aimons à dire qu’en France la probité règne dans les régions du pouvoir. On y ignore les habitudes de vénalité qui flétrissent tant l’administrations étrangères. Si les tribunaux ont condamné de criminels écarts, ces procès ont prouvé que les délits étaient rares, et que le gouvernement n’entendait point les laisser impunis. Dans les emplois subalternes, malgré la modicité des traitemens, les agens sont honnêtes et resteraient sourds à des propositions corruptrices. Loin de nous la pensée d’accuser ceux qui occupent des situations plus élevées. Cependant pourquoi ne dirions-nous pas que nous ne voyons point sans inquiétude le goût du luxe toujours croissant, une soif de spéculation engendrée par le besoin des fortunes rapides, maladie de notre temps, et au sommet de l’échelle des exemples dangereux donnés par de hauts fonctionnaires qui se mêlent à des entreprises