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n’en ait décidé autrement. Chaque service est indépendant des autres. Dans les circonstances où ceux qui les composent doivent se rencontrer ensemble, par exemple dans les cérémonies publiques, leur situation respective est déterminée par l’ordre des préséances. Des décrets impériaux règlent cet ordre : on les exécute encore, quoiqu’ils ne soient pas en harmonie parfaite avec l’esprit de nos institutions actuelles. On éprouverait quelque embarras à coordonner des dispositions nouvelles sur des questions qui éveillent les susceptibilités et mettent en jeu les amours-propres. Cette matière n’est pas d’ailleurs appréciée selon sa véritable importance. Le règlement des préséances n’est pas plus que le costume une chose de pure étiquette ; il est indispensable au jeu régulier des pouvoirs, et, si le classement des emplois offre quelque difficulté, il a l’avantage d’assigner à chacun sa valeur relative, et peut quelquefois servir à compenser l’infériorité du traitement par la plus grande élévation du rang. Il importe en tout cas de prévenir les collisions et les rivalités ; il n’importe pas moins d’interdire tout concert, toute correspondance, par lesquels les fonctionnaires se ligueraient entre eux dans une intention quelconque. Une coalition des dépositaires de la force ou de la puissance de l’état serait un danger public. Les lois y ont pourvu, et de tout temps cette sorte de conspiration a été punie de peines rigoureuses.

Quel que soit le respect de nos lois pour les franchises de la vie privée, celle des fonctionnaires ne peut jouir complète inviolabilité. Leur association au pouvoir public établit entre eux et lui une solidarité morale, d’où résultent des devoirs qui s’étendent même au-delà du cercle des fonctions. L’administration est en droit d’exiger de ses moindres agens qu’ils aient une tenue honnête, qu’ils s’abstiennent des habitudes vicieuses, qu’ils ne portent point des habits « dissolus » selon les termes des vieilles ordonnances. Le bon service d’un employé dépend, plus qu’on ne peut l’imaginer, de la régularité de sa privée. Pour parler des fonctionnaires d’un ordre plus élevé, le professeur ne mériterait plus d’instruire la jeunesse, s’il la pervertissait par le scandale de ses mœurs ; le magistrat ne serait plus digne d’exercer le sacerdoce de la justice, si dans ses relations privées, il était convaincu de déloyauté et indélicatesse. Dans certains cas, la sûreté des intérêts confiés au fonctionnaire se lie à ses affaires domestiques. On ne pourrait point conserver le maniement des deniers publics au comptable dont la fortune serait en désordre, dont les dépenses surpasseraient les revenus, ou que l’amour du jeu exposerait à la ruine. Autrefois les règlemens étendaient encore plus loin leurs