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études qui ouvrent l’accès de ces deux carrières ne permettaient point d’abandonner les fonctions qui en sont le prix au caprice d’une autorité purement discrétionnaire. Toutes les autres classes de fonctionnaires sont révocables, sans autre garantie que la justice du ministre dont ils dépendent. Le droit de révocation s’exerce avec plus ou moins de facilité, selon la nature de l’emploi : il est péremptoire et sans condition dans la diplomatie et dans l’administration départementale, subordonné à une instruction administrative dans les services financiers et dans quelques administrations centrales. Ces différences tiennent à la nature des choses et se justifient d’elles-mêmes.

Amovibles ou non, les fonctionnaires jouissent en France d’une grande sécurité personnelle. A part quelques révocations que la politique a prononcées et que la justice n’approuvait point, les situations sont respectées, trop peut-être, si nous osons dire toute notre pensée. On hésite à priver un père de famille de son gagne-pain, on craint de blesser un protecteur puissant, on recule devant les cris de la presse, et le service en souffre quelquefois. Nous ne sommes pas d’avis d’étendre le privilège de l’inamovibilité. Qu’elle soit conservée aux services qui en sont dotés : la charte en fait une loi pour quelques-uns, et les raisons qui l’ont fait établir sont puissantes et décisives ; mais, dans les autres services, elle serait sans objet et souvent dangereuse. L’inamovibilité a des inconvéniens tels, qu’il ne faut point la concéder légèrement. Le fonctionnaire qui en jouit est enclin à négliger son devoir ; arrivé à l’âge du repos, il marchande sa retraite, prétend quelquefois faire ses conditions, et considère trop son titre comme une propriété privée. L’état ne doit point subir ces entraves, quand elles ne sont pas commandées par des considérations impérieuses. Il est vrai que le droit de révocation sans condition peut être exercé avec passion ou légèreté ; mais, entre l’intérêt d’un agent qui sera l’objet d’une mesure inique et l’intérêt du service public, il n’y a point à balancer. Nous ne partageons donc point les opinions de quelques esprits, trop préoccupés du sort des fonctionnaires, et qui demandent ce qu’on a appelé une charte administrative. La responsabilité des ministres est incompatible avec un régime qui ne leur donnerait pas une autorité étendue sur les instrumens qui les secondent. Cependant il ne faut point que le caprice règne : il ne faut pas qu’un ministre puisse, comme en Angleterre, justifier une destitution par cette seule raison que « la figure du fonctionnaire lui déplaisait ; » cette dure parole n’aura jamais cours en France ; des précautions doivent