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Une foule d’agens exercent la surveillance dans l’intérêt des douanes, des contributions indirectes et d’autres impôts ; ils sont exposes a toutes les séductions tentées par des artisans de fraude qui ne reculent devant aucun moyen. De simples gardiens veillent sur des dépôts d’un grand prix. Un garçon de bureau a tous les cartons à sa merci. On trouverait bien peu d’agens de cet ordre de qui les plus grands intérêts ne dépendent à quelque degré. Leur assurer à tous des ressources telles que les besoins de la vie ne viennent jamais mettre leur probité en péril est un devoir de prudence et presque de loyauté. Dans les rangs intermédiaires, d’autres nécessités parlent. Là viennent chercher une existence honorable les enfans de nos classes moyennes, dont le patrimoine est souvent absorbé par les frais d’une éducation dispendieuse. On leur impose des devoirs pesans. Le plus souvent on leur interdit toute opération étrangère à leurs fonctions, soit qu’on les leur défende formellement, soit qu’on ne leur laisse aucun loisir pour s’y livrer. Partout on leur fait une loi impérieuse de repousser loin d’eux, comme un déshonneur tout autre produit de leur emploi que le salaire payé par l’état. Ce salaire doit donc satisfaire aux besoins légitimes de la famille. Il est fixe et s’accroît bien lentement, quand il s’accroît. Il n’y a point de jour de ruine pour le fonctionnaire, grand avantage sans doute ; mais il n’y a jamais non plus pour lui de ces produits extraordinaires qu’une bonne chance apporte au négociant, à l’avocat, au médecin, et qui permettent de composer une réserve contre les évènemens domestiques, les maladies, les deuils. Quant aux rangs les plus élevés, il y faut moins considérer le fonctionnaire même que l’intérêt public. Il y a intérêt public, en effet, à ce que chaque carrière offre quelques postes éminens qui soient le point de mire des ambitions et un aliment à l’émulation de tous les inférieurs. Il y a intérêt public à ce que, pour les emplois où le mérite doit être à la hauteur des devoirs, l’état puisse aussi parfois disputer aux professions libres les hommes qui s’y sont distingués, et leur offrir un salaire qui ne soit pas trop disproportionné avec leurs revenus antérieurs, il y a intérêt public à ce que des emplois qui entraînent des charges coûteuses ne soient pas, par un privilège contraire à l’esprit de nos institutions, exclusivement réservés aux classés opulentes, seules capables de supporter ces charges[1]. Il y a intérêt

  1. Ces principes sont admis par le gouvernement de l’Union américaine. On en jugera par l’extrait suivant d’un rapport du secrétaire d’état du trésor du 6 décembre 1830 : « Dans plusieurs districts, il y aura lieu d’augmenter les rémunérations des employés de la douane, parce que ces rémunérations sont insuffisantes pour assurer le bien-être, et ne sont pas proportionnées à l’importance des services rendus par ces conservateurs du revenu public. Les traitemens attribués à nos ministres prés des gouvernemens étrangers sont tout-à-fait au-dessous de ce qui convient pour assurer la dignité de leur position et l’aisance de leurs familles. Dans quelques cours, et précisément près de celles avec lesquelles les États-Unis entretiennent le plus de relations, les dépenses que leur situation impose à nos ministres sont si onéreuses, qu’il faut que leur fortune personnelle supplée à l’insuffisance de leur traitement. La tendance d’un pareil état de choses serait de faire attribuer aux riches l’exercice de ces hautes missions, ce qui est en désaccord avec le génie de nos institutions. »