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les temps écoulés depuis la réforme sous les inspirations du catholicisme le plus intolérant et le plus irrité, ou bien un prêtre journaliste improvisera des volumes pour ériger l’ancienne monarchie en archétype de tout gouvernement et de toute liberté. Au milieu de tous ces partis qui s’excommunient mutuellement et se combattent, je cherche en vain l’histoire ; elle n’habite pas les clubs, elle ne hante pas davantage les assemblées de certains dévots : les régions d’où elle contemple les choses humaines sont à la fois plus calmes et plus hautes.

Que du moins l’histoire conserve son équité et son indépendance ; qu’elle soit pour nous tous un refuge, une école toujours féconde en salutaires leçons, une digue contre l’erreur. Tous, hommes et partis, nous avons besoin de nous rejeter souvent dans le passé, afin de prend pour les épreuves du présent des forces nouvelles et des inspirations meilleures. Il serait triste que des conceptions chimériques ou des passions sans justice vinssent altérer et empoisonner ces sources vives de l’histoire où doivent se retremper les générations. Mais non ; tous ces assauts donnés à la raison publique ne l’ébranleront pas, et le génie national, si bien doué pour l’intelligence comme pour la composition de l’histoire, ne sera pas entraîné loin des voies droites et larges où depuis des siècles il s’est illustré. De temps à autre, des livres graves et consciencieusement médités témoignent que le génie historique est encore cultivé par des esprits que captive noblement l’unique amour du vrai. Parmi ces productions vraiment dignes d’estime, il est juste de remarquer l’ouvrage que M. Armand Lefebvre a consacré l’histoire de la diplomatie européenne pendant les quinze premières années du siècle[1]. Un jugement ferme, plutôt enclin à la sévérité qu’à l’indulgence, un style simple et concis, des faits intéressans et nombreux dont plusieurs jusqu’à présent étaient peu connus, habilement enchaînés, recommandent ce livre qui saura se concilier, nous n’en doutons pas, l’attention et les suffrages des hommes compétens en France et en Europe.

Enfin il était réservé à notre époque, par un contraste heureux avec tant de prétentieuses pauvretés, de produire une œuvre qui eût la puissance de préoccuper, d’émouvoir tous les esprits, d’ouvrir un vaste champ à la curiosité, à l’admiration, au dénigrement, à l’enthousiasme, à la critique. Nous n’avons pas ici, comme il y a quelques mois,

  1. Histoire des Cabinets de l’Europe pendant le Consulat et l’Empire, écrite avec les documens réunis aux archives des affaires étrangères, 1800-1815 ; chez Gosselin.