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matière morte qu’on découvrira les lois de la vie ; il y a dans l’analyse des maladies mentales en particulier tels points délicats que le scalpel seul n’atteindra jamais. Sans négliger l’observation des faits, la médecine a déjà entraîné une partie de la science médicale dans cette voie. S’il existe encore des médecins vraiment matérialistes, c’est-à-dire qui rapportent aux organes seuls la cause productrice de nos idées, ce n’est plus dans les régions élevées de la science qu’il faut les chercher. La lumière s’est faite à travers les ténèbres que l’esprit de système opposait froidement à la vérité. Ce n’est pas seulement dans l’analyse des désordres de la folie que le spiritualisme a changé depuis ces derniers temps les méthodes reçues, c’est aussi dans la pratique. Il devient de jour en jour plus manifeste que la première condition du traitement des aliénés est dans la connaissance du cœur humain.

Il ne faut pas maintenant que la science outrepasse les limites raisonnables du spiritualisme. Sans méconnaître le mérite des travaux publiés par un médecin recommandable, nous avons cru devoir nous élever contre une tendance qui ne va à rien moins qu’à confondre deux élémens incompatibles. La théologie n’a rien à voir dans la médecine. Des dogmes formidables que la raison ne doit pas même examiner ne sauraient entrer sous aucun prétexte dans le domaine de la science. La médecine physiologique s’appuie de nos jours sur le raisonnement, sur l’expérience, sur l’observation. Née, comme nous l’avons dit, du libre exercice de l’esprit humain, la science conserve avec la philosophie des liens étroits qu’elle ne peut rompre sans se déchirer elle-même. Tout en travaillant à se dégager du sensualisme qui a obscurci la fin du dernier siècle, la médecine des maladies mentales, en particulier, gardera la méthode sévère de l’examen qui, seule, dans l’ordre des idées comme dans celui des faits, peut conduire sûrement l’esprit à la vérité.


ALPHONSE ESQUIROS.