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le plus clair, le plus net de la session. Et ce n’est pas seulement au sein du parlement que le cabinet avait rencontré une résistance imprévue et subi des échecs sans exemple. Son gouverneur des Indes, lord Ellenborough, ne venait-il pas d’être rappelé contre son gré par ordre de la compagnie ? Un ministère faible et hautain, une majorité mutine et servile, un parlement disloqué et impuissant, voilà à quoi avait abouti en définitive le grand triomphe du parti conservateur en 1841 !

J’en ai assez dit, je pense, pour prouver que la session de 1844 n’avait rien terminé, rien résolu, et qu’après cette session, la situation respective des hommes et des partis restait à peu près la même qu’auparavant. La question d’Irlande, après des péripéties diverses, laissait le gouvernement et O’Connell en présence sans qu’il y eût, à vrai dire, succès complet d’aucun côté ; la question religieuse était stationnaire ; la question parlementaire conservait son caractère indécis, et en somme personne, excepté peut-être O’Connell, n’avait lieu d’être content, ni les whigs, qui s’étaient flattés de renverser le cabinet, ni les tories, qui se sentaient divisés et humiliés, ni le cabinet, qui n’avait pu garder la majorité que par des moyens violens et dont l’emploi ne pouvait être souvent renouvelé. Pour qui regarde au fond des choses, il était évident que la crise continuait, et que sir Robert Peel, avant l’ouverture de la prochaine session, avait à prendre un parti décisif.


II.

Dans l’intervalle, une question toujours grave en Angleterre, la question religieuse, prit une face toute nouvelle et menaça sir Robert Peel de difficultés d’un autre genre. Pour bien comprendre les incidens qui survinrent, quelques explications sont nécessaires.

Quiconque a étudié l’histoire d’Angleterre sait qu’avant de se fixer sur sa base actuelle, l’établissement anglican, sous Henri VIII et sous Édouard VI, subit des oscillations nombreuses, et pencha successivement vers des principes, vers des systèmes opposés. Aujourd’hui, avec Cranmer, avec Latimer, avec Ridley, l’idée protestante dominait, et tendait à assimiler la réformation anglaise et les réformations allemandes. Demain, avec Gardiner, avec Bonner, l’idée catholique reprenait le dessus, et rapprochait infiniment l’église anglicane de l’église romaine. Vinrent enfin, après la reine Marie, les trente-neuf articles et la liturgie, compromis plus ou moins ingénieux entre des principes