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l’église gallicane en fait un gouvernement représentatif, et l’église ultramontaine, un gouvernement absolu. Ce sont les trois formes sous lesquelles viennent se ranger toutes les constitutions politiques, et il assez, naturel que l’esprit humain les introduise dans la religion. Pendant quelque temps, les évêques étaient restés silencieux. Il ne leur déplaisait pas de s’entendre appeler successeurs des apôtres, anges de l’église, et de voir revendiquer avec hardiesse leur indépendance et leur infaillibilité. Beaucoup d’entre eux, d’ailleurs, redoutaient avant tout les envahissemens de l’esprit dissident, et trouvaient bon que cet esprit rencontrât dans les doctrines anglo-catholiques un contre-poids salutaire. Néanmoins, quand les nouveaux docteurs en vinrent à maudire Luther et à réhabiliter Rome, quand de plus M. Newman, dans son célèbre traité 90, établit doctement qu’on pouvait souscrire les trente-neuf articles sans y croire, du moins en totalité, le scandale devint trop grand pour être toléré plus long-temps, et la publication des traités fût épiscopalement condamnée. Depuis ce moment, les traités cessèrent de paraître. Sans se décourager, l’anglo-catholicisme eut recours à d’autres modes de publication, et on s’aperçut un beau jour avec un certain effroi qu’il avait fait des recrues nombreuses, surtout dans la haute aristocratie, et que le tiers de l’université d’Oxford lui appartenait. Ainsi, ce n’est pas sans de vives et nombreuses protestations qu’en 1843 le docteur Pusey fut suspendu pendant un an pour un sermon dans lequel il inclinait visiblement vers la présence réelle dans l’eucharistie et vers la consubstantiation. On se rappelle que parmi ceux qui protestèrent figuraient les noms remarquables de M. Gladstone, ministre du commerce, de lord Dungannon, de M. Courtenay et du juge Coleridge. Dès cette époque ; pourtant, les anglo-catholiques se divisaient en deux écoles, la vieille (celle qui avait dix ans), et la nouvelle, qui voulait pousser les choses beaucoup plus loin ; mais le danger commun les réunissait, et M. Gladstone tout en gourmandant doucement M. Newman, continuait à lui donner la main.

Il était nécessaire de rappeler ces faits pour bien faire comprendre ceux qui, de novembre 1844 à janvier 1845, mirent l’église anglicane en feu, et menacèrent d’une ruine complète l’établissement tout entier.

C’est en 1562, sous le règne d’Élisabeth, que furent définitivement rédigés les trente-neuf articles, ceux qui établissent la vraie doctrine chrétienne selon l’église anglicane, et comme sur quelques points, notamment sur la présence réelle, les évêques n’avaient pu parvenir à s’entendre tout-à-fait, on adopta, quant à ces points, un texte assez vague,