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en sûreté le bien des pauvres, et de réaliser les intentions bienveillantes de quelques ames pieuses En même temps cinquante prêtres du diocèse de Dublin signèrent une adresse à leur évêque pour s’indigner des calomnies propagées contre lui, et pour lui promettre leur appui contre ce nouveau despotisme. Quant à la lettre de la propagande, dénoncée par O’Connell, l’archevêque d’Armagh soutint qu’elle était parfaitement canonique, et, pour le prouver, en produisit, non pas une seule, mais deux, écrites l’une en 1839, l’autre en 1844, et qui, l’une comme l’autre, engageaient formellement le clergé irlandais à ne pas se mêler de politique. Ces deux lettres, communiquées aux évêques assemblés, furent reçues par eux avec toute la déférence convenable, et inscrites respectueusement sur leur registre.

À cette réponse si simple et si péremptoire, O’Connell, hors de lui-même, poussa un cri de détresse et d’alarme. A l’en croire, l’église catholique, aussi bien que la liberté, allait périr en Irlande, si les lettres du pape trouvaient obéissance. Ces lettres, en effet, portaient atteinte à l’indépendance du clergé, et empiétaient sur les droits des citoyens. Dans sa colère, O’Connell alla, comme eût pu le faire un orangiste, jusqu’à invoquer les vieilles lois protestantes qui défendent de publier en Angleterre aucune injonction papale. « Le pape, répéta-t-il d’ailleurs à plusieurs reprises, n’a aucune autorité temporelle en Irlande, et ne peut, sans usurpation, se mêler du rappel. » Il est inutile d’ajouter que, fidèle à son vocabulaire habituel, il poursuivait les plus injurieuses épithètes tous ceux qui ne partageaient pas son avis.

De telles maximes, un tel langage, n’étaient point faits pour rétablir la paix parmi les catholiques et pour rallier autour d’O’Connell les sept millions l’hommes qui, obéissant à toutes ses inspirations, semblaient, l’année précédente, n’avoir qu’un cœur et qu’une voix. D’un autre côté, la jeune Irlande, avec une ironie assez amère, lui conseillait de s’en tenir au rappel, et de ne pas intervenir dans les questions religieuses, qui ne lui avaient attiré que des déboires. En même temps les feuilles anglaises de toute couleur s’amusaient de sa querelle avec les évêques et faisaient ressortir la mobilité, l’inconséquence de ses opinions. Restait l’argument d’un concordat avec le pape qui troublait également, dans le clergé catholique, ceux qui restaient fidèles à O’Connell et ceux qui se séparaient de lui cet argument fut enlevé à l’agitateur par une lettre du lord-lieutenant, qui déclara que rien de semblable n’était sur le tapis. A partir de ce moment, l’affaire du bill des fondations et legs charitables cessa en réalité d’agiter le pays.