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passé de la chambre des communes à la chambre des pairs ; et, comme il arrive toujours, l’opinion publique n’avait pas manqué d’expliquer cette mutation par un dissentiment ministériel. Rien n’était moins fondé, et l’on sut bientôt que lord Stanley allait tout simplement à la chambre des lords pour y aider le duc de Wellington et lord Lyndhurst, vieux et infirmes l’un et l’autre, à porter le poids de la direction politique. La retraite de sir Edward Knatchbull était un peu plus significative, bien qu’elle pût s’expliquer par l’âge et par les fatigues de la vie publique ; mais ce fut tout autre chose quand on apprit qu’à la veille de la session, le plus jeune membre du cabinet, M. Gladstone, quittait le ministère du commerce et se séparait de ses collègues. Comme homme d’affaires et comme orateur, M. Gladstone était le premier après sir Robert Peel, et, si celui-ci venait à faillir, son successeur désigné. Ce ne pouvait être sans de graves motifs qu’en rompant avec un tel homme, le cabinet s’exposait à donner un chef aux tories dissidens. Or, personne n’ignorait que vers 1839 M. Gladstone, encore fort jeune, avait publié un livre intitulé l’Église et l’État, où il soutenait « que l’état devait, comme un particulier, avoir une conscience religieuse, et qu’il ne pouvait directement ou indirectement favoriser les progrès de l’erreur. » Personne n’ignorait qu’en conséquence il s’était prononcé à plusieurs reprises contre l’abolition des tests religieux et contre les subventions aux cultes autres que le culte anglican, notamment contre la subvention de Maynooth. La retraite de M. Gladstone semblait dès-lors aussi importante en 185 que l’avait été en 1842 la retraite du duc de Buckingham. Le duc de Buckingham s’était retiré alors pour ne point participer à l’abandon des vieux principes commerciaux ; M. Gladstone se retirait pour ne prendre aucune part à l’abandon des vieilles doctrines religieuses. Rien ne paraissait plus clair et plus certain. M. Gladstone fut, on le sait, remplacé par lord Dalhousie, qui devint président du bureau de commerce, sans siége au cabinet. Comme en même temps la mort du comte de Saint-Germain appelait son fils, lord Elliott, à la pairie, il cessa d’être secrétaire pour l’Irlande. Le secrétaire pour la guerre, sir Thomas Freemantle, lui succéda, et eut lui-même pour successeur un jeune homme distingué, M. Sydney-Herbert.

C’est donc privé de l’appui immédiat de lord Stanley et séparé de M. Gladstone que sir Robert Peel, avec un ministère en partie renouvelé, se présentait et faisait face à l’orage. C’est à peu près réduit à ses propres forces qu’il levait résoudre, provisoirement du moins., la question financière, la question religieuse, la question irlandaise.