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tous ceux qui, dans le camp ministériel, avaient alors voté pour cette motion, « nul doute, dit-il, qu’ils ne se montrent aujourd’hui fidèles à leurs précédens et conformes à eux-mêmes. — Au fond, ajouta-t-il en terminant, de quoi se plaint le parti agricole ? N’a-t-il pas voté lui-même les mesures qui le ruinent ? N’est-il pas l’artisan de son propre malheur ? Le parti agricole trouve mauvais que sir Robert Peel ait changé. Cela est vrai ; mais n’est-il pas injuste, souverainement injuste, de mettre en parallèle le temps où l’on fait sa cour et le temps de la possession ? Le parti agricole, on ne saurait le nier, en est réduit au plaisir de la mémoire, aux souvenirs délicieux de ses premières amours. Il n’en a pas moins tort de récriminer. En politique comme en amour, quand l’objet aimé a cessé de plaire, c’est en vain qu’il fait appel aux sentimens. Que le parti agricole, cette beauté que tous ont courtisée, qu’un seul a possédée et trompée, se résigne donc à subir en silence l’arrogance et la froideur de son maître. C’est sa dernière ressource. » M. d’Israëli termina en déclarant que, selon lui, le gouvernement conservateur n’était autre que l’hypocrisie organisée.

En vain, pour repousser cette rude attaque, sir Robert Peel fit-il remarquer qu’en 1836, il avait, malgré ses amis, voté lui-même contre la motion Chandos ; en vain rappela-t-il qu’en 1842 M. d’Israëli le défendait contre ses imputations de 1845 ; en vain déclara-t-il enfin qu’à cette époque il faisait du panégyrique autant de cas qu’aujourd’hui de l’attaque : la satisfaction et les rires de l’opposition, l’embarras et la froideur du parti ministériel, tout dut lui démontrer que le trait avait pénétré, et que M. d’Israëli n’était point un adversaire à dédaigner. M d’Israëli, d’ailleurs, sous une forme personnelle, acerbe, mordante, ne faisait qu’exprimer les sentimens dont beaucoup de cœurs étaient pleins. Ces sentimens étaient ceux du duc de Buckingham lui-même, qui, à la même époque à peu près, lorsque se réunit la société conservatrice de son comté, n’hésita pas à les manifester. J’ajoute qu’ils redoublèrent d’amertume quand sir Robert Peel crut devoir accepter des mains de M. Bright une enquête sur les lois de la chasse, ce patrimoine de l’aristocratie foncière, ce fleuron de la couronne à laquelle elle ne permet guère de toucher.

Dans cette première partie de la session, un autre débat, le débat Sur la Nouvelle-Zélande, prouva encore que la majorité ministérielle était agitée, et que, n’osant pas, à peu d’exceptions près, se séparer ouvertement de sir Robert Peel, elle aimait, quand elle pouvait le