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invectives de M. Ferrand et du colonel Sibthorp n’avaient paru le troubler. Ferme, calme, impassible, on eût dit que l’orage grondait sous ses pieds et ne pouvait arriver jusqu’à lui. Sir Robert Peel néanmoins souffrait et s’indignait en secret de l’opposition si générale, si vive, si personnelle, que rencontraient ses projets ; seulement, en homme d’état éprouvé, il faisait bonne contenance et réprimait ses sentimens intimes. On put s’en apercevoir, quand il se leva pour résumer le débat, à son ton ému et contenu tout à la fois. Dans un langage plein de grandeur et de dignité, il tira de la fureur même avec laquelle la mesure était attaquée un argument puissant en sa faveur. Se serait-il exposé, si la mesure eût été moins nécessaire, à perdre, en la maintenant, l’appui du parti conservateur et la confiance du pays ? Sir Robert Peel refusa ensuite de s’engager au-delà du bill, et de se prononcer pour ou contre le salaire du clergé catholique. Le cabinet ne regardait la mesure actuelle comme liée à aucune autre, mais il entendait que la question du salaire restât entière, et pût être résolue par le ministère actuel ou par tout autre ministère, selon les circonstances et l’intérêt du pays. Dès aujourd’hui il déclarait que l’objection religieuse lui semblait nulle, et qu’en tout cas elle avait été tranchée l’an denier par l’adoption du bill des legs et donations charitables. Puis, faisant allusion à la question de l’Orégon et à certaines paroles menaçantes que peu de jours auparavant il avait prononcées à ce sujet : « Je suis heureux, ajoutait-il, de penser que la veille même, en présentant le bill de Maynooth, j’avais envoyé à l’Irlande un message de paix. » Sir Robert Peel ne voulait pas d’ailleurs répondre à M. Macaulay, et préférait, comme lord John Russell, écarter toute querelle de parti. Tout ce qu’il demandait, c’est qu’on adoptât la mesure, sauf à frapper ensuite, si on le voulait, ceux qui l’avaient présentée.

Après ce discours, la chambre alla aux voix et adopta la seconde lecture à 323 voix contre 174. En examinant les listes on voit que 160 tories avaient voté avec le ministère et 143 contre. Quant aux libéraux, 163 comptaient dans la majorité, et dans la minorité 31 seulement. La minorité se composait ainsi de quatre fractions distinctes : 1° les ultra-protestans, dirigés par sir Robert Inglis, M. Colquhoun, lord Ashley ; 2° les orangistes irlandais, dont M. Shaw, M. Grogan, le colonel Varner, étaient les principaux représentans ; 3° les ennemis personnels de sir Robert Peel, dont le fiel s’était répandu par la bouche de M. d’Israëli ; les dissidens, partisans du principe volontaire, au nom lesquels M. Bright, M. Fox-Maule, M. Duncombe, avaient parlé.