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part, les catholiques irlandais repoussaient le bill ; de l’autre, à la suite de sir Robert Inglis, le Times, le John Bull, le Britannia, le dénonçaient comme athée. Les journaux whigs enfin le défendaient mollement, et en demandant que le collége protestant de Dublin, Trinity College, fût ouvert sans réserve à toutes les communions. Dans le parlement même une motion à l’effet d’examiner les revenus de Trinity College fut faite et rejetée. Néanmoins le cabinet déclara qu’il persistait, et que le mémoire des évêques catholiques ne lui ferait modifier en rien le principe du bill. Pour cette fois, outre le parti ultra-protestant et le parti ultra-catholique, le cabinet eut contre lui la jeune Angleterre, qui, par l’organe de lord John Manners, refusa de voter une mesure qui sacrifiait à une prétendue nécessité politique l’instruction religieuse. En revanche, M. Mimes et M. Gladstone parlèrent pour le bill ; MM. Wyse et John O’Connell continuèrent à l’approuver ; lord John Russell enfin en adopta le principe, tout en critiquant certains détails, et tout en faisant des vœux pour qu’on parvînt à concilier la hiérarchie catholique. Quant à sir Robert Peel, il se borna à opposer les uns aux autres les adversaires protestans et les adversaires catholiques du bill, et à demander comment il pourrait les satisfaire tous à la fois. Sir Robert Peel en conclut qu’en Irlande il était indispensable de séparer l’instruction laïque et l’instruction religieuse, bornant à celle-là l’action des collèges, et laissant celle-ci aux soins éclairés des parens : La seconde lecture passa à 311 voix contre 46.

Une telle majorité ne promettait pas un grand succès aux prétentions des évêques catholiques ; mais peu importait à O’Connell, qui, ravi de s’être remis d’accord avec la hiérarchie, voulut exploiter la question jusqu’au bout. Cette question remplaça donc celle du bequests bill, et devint le thème habituel de ses déclamations. Il semblait d’ailleurs qu’en Irlande du moins les circonstances lui fussent favorables, et que sa popularité, un moment éclipsée, brillât de nouveau d’un vif éclat. Le 30 mai, anniversaire de son emprisonnement, une grande démonstration eut lieu à Dublin, et une vaste procession, où l’on remarquait le club de 82 en grand uniforme et des députations de toutes les parties de l’Irlande, alla porter ses hommages à O’Connell, qui les reçut assis sur un magnifique fauteuil de damas vert, sur un fauteuil dont le bois richement sculpté montrait d’un côté la harpe irlandaise, et de l’autre le chiffre 82 entouré de shamrock (espèce de trèfle). Peu de jours après, un grand banquet lui fut donné à Cork, où il parut sur un char de triomphe décoré de toutes sortes d’emblèmes. À Dublin comme à Cork, il ne cessa d’ailleurs de tourner en ridicule ceux qui