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des ministres. De là entre la chambre des communes et le gouverneur un conflit qui se termina par la dissolution de la chambre et par la nomination d’un nouveau cabinet (MM. Viger, Daly, Draper, Morris, Papineau, frère du Papineau de 1839), pris tout entier parmi les libéraux modérés. Voici comment se posait la question. La chambre canadienne prétendait que MM. La fontaine et Baldwin n’avaient fait que tirer la conséquence rigoureuse des principes reconnus par sir Charles Metcalfe lui-même, et qu’à Montréal, comme à Londres et à Paris, tout le pouvoir exécutif devait être confié aux ministres. Si Charles Metcalfe répondait qu’une telle conséquence, rigoureusement appliquée, ferait du Canada un état indépendant, et que les résolutions adoptées en 1841 sur la responsabilité du gouvernement n’avaient point une si grande portée. Le débat vint en 1844 jusqu’à la chambre des communes, où M. Roebuck soutint l’avis des chambres canadiennes ; mais les whigs, quelques radicaux même, donnèrent raison à sir Charles Metcalfe. Les nouvelles élections ayant tourné en faveur du cabinet Viger, qui a 39 voix contre 36, l’ordre légal est rétabli pour le moment ; cependant la question n’en reste pas moins indécise, et, pour qu’elle se ranime, il faut un déplacement de deux voix seulement.

La question des réclamations espagnoles donna lieu à un plus vif débat. Voici ce dont il s’agissait. Venezuela, bien qu’état à esclaves, avait fait admettre ses sucres au droit des sucres libres, en alléguant un traité qui lui assurait le traitement des nations les plus favorisées. L’Espagne prétendit que les traités de 1667 et de 1713 lui donnaient droit au même privilège, et demanda en conséquence que les sucres de Cuba et de Porto-Rico fussent admis comme ceux de Venezuela. C’était d’un coup renverser la loi des sucres et détruire la fameuse distinction que sir Robert Peel avait eu tant de peine à défendre : aussi lord Aberdeen repoussa-t-il péremptoirement les prétentions du cabinet de Madrid, en soutenant 1° que les traités en question n’existaient plus, 2° qu’existassent-ils, ils étaient inapplicables, vu qu’ils assuraient aux commerçans, non aux produits espagnols, le traitement des nations les plus favorisées. Néanmoins lord Clarendon aux lords, lord Palmerston aux communes, relevèrent la question, et en firent le sujet d’un grand débat où furent passées en revue toutes les relations Internationales de l’Angleterre et de l’Espagne. M. Gladstone, qui était ministre du commerce lors de la négociation, prit au contraire parti pour le cabinet, et la motion fut rejetée à 175 voix contre 87. Dans le cours du débat comme dans la correspondance produite, il apparut