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non-seulement à l’Angleterre mais à la cause de la liberté et de la civilisation. Quand un système politique, tombe sous les efforts du parti opposé après une résistance vigoureuse et prolongée, il ne désespère pas de lui-même, et il veut tôt ou tard prendre sa revanche ; quand au contraire un système politique expire misérablement sous les coups de ceux qui semblaient appelés à le défendre, l’espoir ne survit guère à la défaite, et les fureurs impuissantes font bientôt place à la résignation. N’est-ce point le sort que les derniers actes de sir Robert Peel ont fait au vieux torisme ? Par un mouvement imprévu de la bascule politique, le vieux torisme, qui semblait définitivement abattu en 1832, s’était rélevé, il avait repris toutes ses espérances et toutes ses illusions. Or, voici qu’une main amie brise tout à coup ses espérances, renverse ses illusions, et lui fait durement sentir que le gouvernement ne lui appartient plus. Sans doute le coup est rude pour le vieux torisme, et il est naturel qu’il pousse un cri de douleur ; mais, à ce cri, le parti libéral doit répondre par un cri de joie et de triomphe. « L’administration dont j’ai fait partie est morte, disait encore lord Melbourne tout récemment, son enveloppe mortelle n’existe plus ; mais l’esprit immortel, ignea vis animi, est non-seulement vivant, mais actif et efficace. Nos principes et nos opinions nous survivent. » Que le parti libéral ne se montre donc pas si sévère pour le ministre à qui il doit tant, pour le ministre qui, à ses risques et périls, a osé braser l’esprit de monopole et l’esprit d’intolérance. Il ne faut jamais dire que la fin justifie les moyens ; quand néanmoins la fin est excellente, et les moyens peu reprochables, on doit se tenir pour content.

Reste la dernière question. Après les élections de 1842, sir Robert Peel est arrivé au pouvoir, à la tête du parti conservateur, avec une majorité de cent voix. Aujourd’hui, une portion du parti conservateur, celle qui répond au vieux torisme, est profondément irritée contre lui, et le menace, à la première occasion, d’une vengeance éclatante. D’un autre côté, les whigs et les radicaux, qui, pendant le cours de la dernière session, ont comblé les vides de la majorité, paraissent peu disposés à continuer le même rôle, et ne repoussent pas l’idée d’une coalition au moins momentanée Qu’adviendra-t-il de là ? Est-il probable que sir Robert Peel reste premier ministre ? Est-il probable qu’il tombe à l’ouverture de la prochaine session ? Il est d’abord un fait que j’ai déjà constaté et qu’on ne saurait nier. Si les élections générales avaient eu lieu à l’issue du débat de Maynooth, nul doute qu’elles n’eussent tourné en faveur du parti fanatique ;