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celle du cabinet, qui incline visiblement à salarier le clergé catholique, sans toucher à l’établissement protestant ; celle des whigs, qui pensent à tout remanier et à fonder deux établissemens, l’un anglican, l’autre catholique, proportionnels l’un et l’autre au chiffre et aux besoins de la population ; celle des radicaux enfin et des Irlandais repealers, qui condamnent tout établissement. De ces quatre opinions, la première est évidemment morte ; la dernière n’est point mûre, en supposant qu’elle doive jamais l’être. C’est donc entre les deux opinions moyennes qu’il faudra choisir. Or, n’est-il pas inévitable que les ultra-tories finissent par se rattacher à celle de sir Robert Peel, et les radicaux à celle de lord John Russell ? Dans les momens d’emportement, la politique pessimiste prévaut quelquefois, et on se laisse entraîner à satisfaire ses passions aux dépens de ses opinions ou de ses intérêts. Quand on a le temps de la réflexion, cela est rare, surtout en Angleterre, dans ce pays froid et sensé, où les emportemens de la passion ont toujours le calcul pour contrepoids.

Ce que je dis de la question religieuse, je puis le dire de la question commerciale, de la question politique, de toutes les questions. Les réformes de sir Robert Peel déplaisent à une fraction du parti tory. Les réformes de lord John Russell lui déplairaient plus encore, et cependant, si lord John Russell venait au pouvoir, ces réformes seraient nécessaires. Tout bien considéré, je crois qu’à quelques individus près, le parti tory, tout en grondant, sera rentré dans l’ordre avant la prochaine session, et qu’il continuera à appuyer sir Robert Peel. La lutte alors se portera sur le terrain même où sir Robert Peel jugera convenable de s’arrêter, et le combat s’engagera entre ceux qui croiront qu’on a fait assez et ceux qui demanderont davantage. En d’autres termes, le combat s’engagera entre le parti conservateur tout entier et les whigs, assistés des radicaux.

Ici je n’hésite pas, et je dis qu’à moins d’évènemens imprévus les whigs, pour peu que sir Robert Peel tienne bon, n’ont aucune chance de le renverser aujourd’hui. D’abord, par ses dernières réformes, sir Robert Peel a conquis, jusqu’à un certain point, la bienveillance des classes libérales ; ensuite, jamais les whigs n’ont été moins en mesure de le remplacer. Les whigs, qui viennent de perdre lord Grey et lord Spencer, ne sauraient certes avoir un chef plus honorable et plus honoré que lord John Russell, homme d’un caractère si noble et d’un mérite si vrai ; mais, si Robert Peel a ses embarras intérieurs, lord John Russell aussi a les siens. Il semble aisé de faire marcher ensemble, à l’aide de quelques réciproques, les whigs et