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LA MARQUISE

Mademoiselle je ne sais qui, mademoiselle votre protégée. Est-ce que je sais le nom de vos danseuses ?

LE COMTE

Ah ! c’est donc là ce beau propos qu’on vous a tenu sur mon compte ?

LA MARQUISE

Précisément. Est-ce que vous niez ?

LE COMTE

C’est un conte à dormir debout.

LA MARQUISE

Il est fâcheux qu’on vous ait vu très distinctement au spectacle avec un certain chapeau rose à fleurs comme il n’en fleurit qu’à l’Opéra : Vous êtes dans les choeurs, mon voisin ; cela est connu de tout le monde.

LE COMTE

Comme votre mariage avec M. Camus.

LA MARQUISE

Vous y revenez ? Eh bien ! pourquoi pas ? M. Camus est un fort honnête homme, il est plusieurs fois millionnaire ; son âge, bien qu’assez respectable, est juste à point pour un mari. Je suis veuve, et il est garçon ; il est très bien quand il a des gants.

LE COMTE

Et un bonnet de nuit ; cela doit lui aller.

LA MARQUISE

Voulez-vous bien vous taire, s’il vous plaît ? Est-ce qu’on parle de choses pareilles ?

LE COMTE

Dame, à quelqu’un qui peut les voir.

LA MARQUISE

Ce sont apparemment ces demoiselles qui vous apprennent ces jolies façons-là.

LE COMTE se lève et prend son chapeau.

Tenez, marquise, je vous dis adieu. Vous me feriez dire quelque sottise.

LA MARQUISE

Quel excès de délicatesse !

LE COMTE

Non ; mais, en vérité, vous êtes trop cruelle. C’est bien assez de défendre qu’on vous aime, sans m’accuser d’aimer ailleurs.