Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 12.djvu/574

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

confus de principes qui se combattent. Le roi parle très bien des ressources vivaces de la Prusse, de sa mission, qui est de marcher dans les voies du monde moderne : il fait sonner courageusement ces mots de jeunesse, d’intrépidité, d’héroïsme ; mais en même temps il n’oublie pas de proclamer que sa couronne lui vient de Dieu, et quand il s’écrie : « Malheur à qui la touche ! » il semble donner une promesse formelle aux envoyés de la noblesse, et ajourner indéfiniment les projets de constitution. Ou bien, s’il n’y renonce pas tout-à-fait, l’affectation avec laquelle il apostrophe ces trois ordres, chevaliers, bourgeois, paysans, fait pressentir sa pensée secrète et semble annoncer l’espèce d’organisation féodale qu’il voudrait établir. Quand nous parcourons à présent ces documens de 1840, nous y découvrons surtout des révélations sur l’esprit du roi ; cet esprit, nous le voyons déjà très élevé, très distingué à coup sûr, brillant et original, mais imprudent, mobile, fantasque, et, s’il faut le dire, peu propre au maniement de la chose publique. Nous reviendrons tout à l’heure sur ce sujet, quand les actes du nouveau gouvernement auront mieux éclairé pour nous le caractère de Frédéric-Guillaume IV. À cette date de 1840, on n’était pas si instruit, et, grace à la sympathie populaire, grace à cette ouverture de cœur, si prompte encore citez les Allemands, on ne vit d’abord que le côté éclatant, le ton sincère et généreux des promesses royales.

Certes, les paroles du nouveau monarque étaient pleines de séductions ; mais quand il fallut s’entendre, quand on prétendit réaliser ces espérances si belles, on fut bien vite désabusé ; les difficultés éclatèrent presque aussitôt. Le 7 septembre 1840, dans l’assemblée extraordinaire convoquée pour rendre hommage à Frédéric-Guillaume, les députés de Koenigsberg, après avoir remercié le roi de sa généreuse ardeur, lui rappelaient respectueusement les promesses de 1815, et ils ajoutaient : « Fidèle, comme toujours, à sa royale parole, Frédéric-Guillaume III, le père, l’ami du peuple, commença l’œuvre qu’il avait annoncée, et, donnant à la Prusse des états provinciaux, il légua à son successeur l’accomplissement de sa tâche. Confians dans la bienveillance auguste de votre majesté, nous sommes sûrs qu’elle ne tardera pas à constituer le développement des états provinciaux, et que, marchant dans les voies de son père, elle donnera à ses fidèles sujets cette représentation nationale qui leur a été promise. » La demande était claire ; il n’était guère possible, à ce qu’il semble, d’éluder la question ; pourtant la réponse du roi, prolongea quelque temps encore l’erreur et la confiance de l’assemblée. Le roi répondit, il est