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que M. Stahl a publié tout récemment sous ce titre : le principe monarchique (das Monarchische Prinzip). La pensée de M. Stahl a cependant subi depuis cinq ans quelques modifications assez graves ; elle est devenue plus libérale. Le brillant publiciste repousse aujourd’hui les excès de Haller, son piétisme politique, son fanatisme jaloux pour le droit divin, et ne craint pas de reconnaître la légitimité des espérances qui s’éveillent par toute la Prusse. Ces concessions ont leur importance ; elles sont un indice sérieux et presque un document officiel. M. Stahl est trop bon courtisan pour hasarder des paroles qui engageraient mal à propos l’école historique et le gouvernement qui la protège. Seulement, prenons garde de nous réjouir trop vite ; si nous demandons à l’écrit de M. Stahl quelques renseignemens sur la secrète pensée du pouvoir, la réponse est triste. M. Stahl admet bien une constitution, il veut bien une chambre élue par le peuple, mais ce sera tout simplement une assemblée consultative, ce sera une constitution moins libérale que la constitution de Bavière. Berlin ressemblera à Munich ; l’auteur n’a pas plus d’ambition pour la capitale de Frédéric-le-Grand ! Selon M. Stahl, les institutions représentatives ne conviennent qu’aux pays tourmentés par les guerres civiles et bouleversés par les révolutions ; c’est le vigoureux remède des maladies dont ils ont souffert. « Un tel régime, ajoute-t-il, serait fatal à la pacifique Allemagne.

Tandis que M. Stahl parle ainsi, écoutez ce bruit, ces cris violens, ces déclamations forcenées : c’est le parti démagogique qui répond au parti de la réaction par un déchaînement sans exemple. Plus les doctrines de Stahl, de Haller et de la noblesse de Prusse s’opposaient au légitime développement de la société constitutionnelle, plus la colère des démocrates s’enhardissait chaque jour. Il n’y a pas de pays au monde où l’on sache, comme en Allemagne, se jeter éperdument dans les conséquences extrêmes d’un principe une fois admis. C’est là qu’on se grise avec des formules, comme ailleurs avec des Marseillaises. L’ancien parti révolutionnaire, je le sais bien, celui qui s’était montré à Francfort et à Hambach, est presque entièrement dispersé, à l’heure qu’il est. M. Wirth écrit une histoire d’Allemagne ; M. Venedey s’est converti aux doctrines pacifiques. Cependant la fièvre s’est portée ailleurs ; elle agite aujourd’hui les questions religieuses, et c’est là qu’elle produit un opposition inconnue jusque-là, et qui ne peut exister que chez nos voisins. Les écrits de Bruno Bauer et de Luis Feuerbach sont bien tristes sans doute dans leur nudité ; eh bien ! Figurez-vous les disciples exaltés, les partisans fanatiques de ces grossiers