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l’utopie de MM. de Lamennais et Lacordaire ; les catholiques, aussi bien que les libéraux, le reconnaissent aujourd’hui.

Le clergé belge n’a pas hésité un instant à exploiter sa double position. Dès les élections de 1830, les mandemens, la chaire, le confessionnal, sont mis au service de ses candidats. Le curé de campagne écrit lui-même tous les bulletins de la paroisse et conduit par bataillons ses paysans au chef-lieu, les préservant avec une sollicitude comique de tout mauvais contact, jusqu’au moment du scrutin. A peine maître de la majorité, le clergé s’impose aux ministres, et des milliers de places soldent les frais de sa première campagne électorale. Les conseils provinciaux sont nommés par la même catégorie d’électeurs qui a déjà nommé la chambre, et relèvent comme elle du clergé : celui-ci leur fait attribuer, au détriment de la prérogative royale la collation d’un grand nombre d’emplois, et les conseils provinciaux servent plus efficacement encore ce système de favoritisme et d’arbitraire, qui, accouplant au joug d’une pensée commune deux incompatibilités, emprunte à la décentralisation républicaine ses moyens, à l’unité despotique ses traditions.

Par la liberté d’enseignement, l’action absorbante du cierge s’ouvre un champ tout aussi vaste que par la prépondérance électorale des paysans et par les restrictions imposées au pouvoir exécutif Pendant que les universités laïques s’écrasent par une concurrence illimitée, le clergé concentre les ressources morales et matérielles dont il dispose sur son université de Louvain, qui, célébrée par la presse religieuse sur tous les points du territoire, enrichie par les quêtes qui se font pour elle au temps pascal dans tout les églises du royaume, accaparera la plupart des célébrités professorales et tiendra un nombre fabuleux de bourses à la disposition des électeurs bien pensans L’enseignement secondaire, l’enseignement élémentaire, sont envahis par les mêmes voies Quarante-quatre établissemens d’instruction moyenne, d’innombrables établissemens d’enseignement primaire, subventionnés tous par les fidèles, et presque tous par le gouvernement, la province et la commune, font aux collèges et aux écoles laïques une concurrence laquelle ceux-ci ont peine à résister.

Mêmes déceptions quant à la liberté d’association et à la liberté de la presse, dont le clergé semble devoir exclusivement profiter. L’une renforce la milice ultramontaine de moines étrangers, la plupart jésuites, et qui, pour acheter la protection de l’épiscopat, mettent au service de ses recommandés électoraux, de son université, de ses écoles, de ses journaux même, tous les moyens de propagande et de