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Il voulait populariser Î’aristocratie et repousser à la fois l’ascendant du trône et celui du peuple : la convocation fréquente des parlemens l’effrayait ; il craignait que l’on n’empêchât les fonctionnaires de siéger à la chambre, et, ce qui prouve le mieux, combien peu il se confondait avec les démocrates, c’est la vigueur avec laquelle il combat dans ce pamphlet les expédiens de Wilkes et de Horne Tooke, la triennalité des parlemens, et l’exclusion des fonctionnaires de la chambre basse.

« Vous voulez, dit-il, un parlement triennal ; vous prétendez exclure des communes quiconque st salarié par le gouvernement. Ces remèdes, si beaux en théorie, je n’aurais point de peine à les vanter, si je ne voulais que flatter le goût populaire ; mais je n’y crois pas. Un parlement réélu tous les trois ans pourrait aggraver le mal au lieu de le corriger. J’aurais peur, je l’avoue, d’exposer si souvent les membres indépendans de la chambre à une lutte avec le trésor. Qui ne voit d’un coup d’œil de quel côté serait la défaite ?

« J’en appelle à tous ceux qui consultent leur expérience, les ministères ne sont-ils pas plus forts au commencement, à la fin d’une sessions qu’au milieu, à cette époque de sûreté comparative, où chaque honorable membre se sent à peu près bien assis ? La réélection triennale n’est point un remède utile ; si la corruption existe, vous la multipliez en multipliant les occasions où elle peut se déployer. De deux choses l’une : ou extirpez radicalement l’influence de la couronne, ou elle pèsera d’un poids d’autant plus lourd, que vos parlemens seront plus fréquemment renouvelés ; toute indépendance de l’individu se trouvant anéantie, on verra la liste civile s’emparer définitivement des consciences, et le fléau que vous signalez s’établir comme institution permanente. Si vous voulez éloigner ou atténuer le péril, ne rendez pas trop fréquentes des luttes dangereuses dont le résultat n’est jamais favorable à la liberté de l’ame, à celle des actes, à la pureté des principes.

« Vous croyez que le parlement, s’il bannit de son sein tout homme en place, va se mettre à l’abri de l’action de la couronne ? Erreur. Vous estimez apparemment que, pour guérir les maladies du corps social, il suffit d’une loi ; moi, j’en doute. Par cette mesure, vous détachez du parlement divers groupes dont l’importance me paraît majeure, entre autres, la marine et l’armée ; il vaut mieux encore les intéresser aux succès de l’état d’une manière un peu corrompue et blâmable que d’isoler entièrement leurs intérêts. C’est tout au plus ce que l’on peut essayer contre certains employés inférieurs des finances, que j’exilerais volontiers des élections ; mais, si vous dépouillez de leurs privilèges les capacités, les fortunes, les ambitions, les courages, qui ont choisi la carrière de l’administration, de l’armée, de la marine, des finances ; si vous leur enlevez le droit naturel d’être représentés, vous les armez contre vous. Soyez sûrs que ces institutions, dont ils ne partageront plus les bénéfices, ils essaieront de les renverser. C’est une considérable portion de la