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favorable à la prérogative royale, en dépit du parti que représentait son successeur, le ministère de Theux.

Pendant l’administration de M. de Theux, qui se prolongea, à travers des remaniemens successifs, du 4 août 1834 jusqu’en avril 1840, la connivence fut complète entre le clergé et le cabinet. Ce n’était plus d’ailleurs dans la curée des places, dans les complaisances volontaires ou forcées de tel ou tel ministre, que le clergé voyait sa principale ressource électorale. Dès 1836, la Belgique comptait déjà près de quatre cents maisons religieuses, possédant toutes des biens-fonds considérables qu’elles divisaient en petits fermages pour créer de nouveaux électeurs dans les campagnes, et des capitaux dont le placement intelligent recrutait d’autres électeurs dans le petit commerce des villes. Ces précautions. Devenaient-elles insuffisantes, des fonds, provenant de souscriptions et de quêtes, complétaient les contributions ou patentes de ceux des affidés du clergé qui ne payaient pas le cens requis, et improvisaient une majorité cléricale dans les collèges dont le parti libéral se défiait le moins. On devine le prompt effet de ces manœuvres dans un pays où le sénat, tous les quatre ans, et la chambre des représentans, tous les deux ans, sont renouvelés par moitié.

Enfin le parti catholique se croyait tellement fort par lui-même, tellement indépendant des vicissitudes du pouvoir, qu’en 1840, à la dissolution définitive du ministère de Theux, il accepta sans opposition un cabinet ou la plus grande part d’influence revenait à deux libéraux, MM Lebeau et Rogier. MM. Lebeau et Rogier ne semblaient pouvoir s’appuyer, en dehors des catholiques, que sur le groupe qu’ils dirigeaient, et qui a reçu le nom de doctrinaire, groupe en apparence trop peu nombreux pour leur permettre même un essai de résistance. En dehors du conseil au contraire, MM. Lebeau et Rogier auraient pu devenir les chefs d’une coalition modérée exaltée, ou chaque parti aurait réservé ses griefs devant un intérêt commun d’opposition. Or les catholiques devaient trop aux divisions du parti libéral pour ne pas redouter, sinon dans les chambres, du moins dans le pays électoral, une trêve qui l’aiderait à combiner ses efforts. Que si MM. Lebeau et Rogier, loin de mesurer leur docilité sur leur faiblesse, entreprenaient une lutte inégale, le clergé se croyait toujours en mesure de leur substituer à temps des ministres plus soumis. Il se trompait. Le moment approchait où les moyens employés jusqu’alors avec succès par le parti catholique allaient tourner contre lui-même.

MM. Lebeau et Rogier appréciaient la situation tout autrement que