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cachot ou un supplice accompagné de tortures pourraient fort bien être le caravansérail et la bienvenue qui nous attendent.

— Eh quoi ! mon brave Raja-Ram, douterais-tu ainsi de tes compatriotes ? J’ai meilleure idée de la grandeur d’ame de cette petite reine. Je l’ai vue chargeant de trop bon cœur à la tête de ses escadrons et au milieu de la mitraille pour lui supposer des sentimens aussi bas. Capable d’un grand crime, elle peut l’être, mais d’un lâche assassinat, jamais, j’en répondrais sur ma tète, et sur ma tête j’en veux faire l’épreuve.

En disant ces mots, le confiant aventurier prit position sur le bord de la route ; ses trois compagnons se rangèrent derrière lui, et là, d’un air préoccupé, mais ferme, il attendit la cavalcade qui s’approchait.

C’était un spectacle vraiment oriental que la marche de ce cortège enveloppé dans le nuage de poussière qui s’élevait sous ses pas. Parfois, comme l’éclair s’élance de la nue, un cavalier chamarré d’or s’échappait du tourbillon poudreux pour décrire au galop quelque fantazia rapide, ou bien c’était le vent du désert qui soulevait un coin de l’épais rideau. On apercevait alors quelque riche couverture de pourpre étalée sur le dos d’un éléphant ou les lances étincelantes d’une troupe de poursuivans d’armes. Enfin de nombreux traînards sur les flancs et en arrière de la colonne semblaient être des tirailleurs qui protégeaient la retraite d’un corps d’armée. A mesure cependant que les objets devenaient plus distincts, ils perdaient leur caractère guerrier pour prendre un air de fête et de splendeur. Le nombre des cavaliers, la beauté de leurs montures, la richesse et l’éclat de leurs costumes annonçaient suffisamment un cortége royal, et, à certains détails fort pittoresques, il était également facile de reconnaître que cette troupe brillante revenait de la chasse. Les plus élégans cavaliers étaient couverts de poussière, et les plus beaux chevaux ruisselaient de sueur. Les saïces ou palefreniers haletaient en trottant derrière leurs maîtres, ils s’accrochaient et se laissaient traîner à la queue des chevaux. Des tchitas (léopards dressés pour la chasse), un bandeau sur les yeux et accompagnés de leurs gardes, étaient couchés, à moitié endormis de chaleur et de fatigue, sur des hackeries (chariots) traînés par des bœufs. Des faucons, leurs attaches aux pieds et leurs coiffes en tête, étaient perchés au poing des fauconniers ; puis venaient, portés sur des brancards, les trophées de la journée : c’étaient des antilopes à la peau brune et blanche, aux petites cornes droites, noires et polies comme de l’ébène ; le loup rayé, avec ses longues