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mais modestement, et en seconde ligne derrière Law, ils attendirent comme lui. Cependant le major Carnac, accompagné du capitaine Knox, s’avançait rapidement avec un détachement pour s’emparer de l’artillerie impériale. Ce fut alors qu’il aperçut le chef de la compagnie française. Mettant à l’instant pied à terre, il s’approcha le chapeau à la main, et, après avoir adressé les plus gracieux éloges à son brave ennemi, il le conjura de se rendre. Law répondit qu’il était prêt à le suivre, pourvu qu’on lui laissât son épée, mais qu’il mourrait plutôt que de quitter cette arme à laquelle son honneur était attaché. Un murmure flatteur s’éleva aussitôt parmi les officiers qui entouraient le major ; on applaudit à la fermeté de Law, et on lui conserva son épée par acclamation. Ce fut dans le palanquin même du commandant anglais qu’on l’emporta du champ de bataille. Absorbé par les émotions d’une pareille scène, Law ne se rappela qu’au moment de suivre le major anglais les deux jeunes gens qui avaient voulu mourir avec lui, mais il les chercha vainement des yeux : une fois le danger passé, ils avaient disparu dans la foule.

La seconde fois qu’il est question de Sombre dans les annales de l’Inde, c’est trois ans après, en 1764, dans l’armée de Mîr Kâssim, où il avait obtenu un commandement depuis la bataille livrée à Shah-Alum. Les circonstances avaient bien changé. L’avidité des fonctionnaires anglais avait déjà épuisé tous les trésors de Mîr Kâssim. Celui-ci était parvenu cependant à apaiser encore quelque temps leurs insatiables exigences, à force d’exactions dont ses propres sujets étaient les victimes. Il avait fait rendre gorge à tous les employés indigènes qui s’étaient enrichis sous son prédécesseur ; toutefois ces ressources même lui manquèrent bientôt, et il ne lui resta plus à dépouiller qu’un dernier chef de quelque importance et protégé des Anglais. Malheureusement pour Mîr Kâssim, ce chef périt dans les tortures plutôt que de révéler où étaient ses trésors. Mîr Kâssim restait donc sans argent devant une puissance qui venait de perdre, par son imprudence, un partisan fidèle. Pour comble de malheur, une modification du grand conseil de l’Inde donna la majorité au parti hostile à Mîr Kâssim. Le gouverneur Vausiltart et Warren Hastings (alors simple employé civil) lui prêtaient seuls un appui sans valeur, de sorte que, tandis qu’on augmentait ses charges, il vit de jour en jour détourner ses revenus. Les marchands anglais s’attribuaient le monopole du commerce, battaient ses douaniers, et il lui était même défendu de supprimer les droits qu’il ne recevait plus et qui ne pesaient plus que sur ses propres sujets. Il était clair qu’on voulait arriver à son expulsion par la