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les feuilles les plus timides, dès qu’elles n’épousent pas toutes les rancunes ultramontaines, sont placées nominalement dans cette catégorie. Dans certains bourgs des Flandres, il ne circule plus de journaux libéraux : l’estaminet qui en reçoit un seul est dénoncé en chaire et frappé d’interdit. A Malines, centre de la réaction cléricale, on ne trouve plus d’imprimeur pour un journal libéral ; dans cette dernière ville, la vente des journaux du clergé est seule autorisée au débarcadère central des chemins de fer, d’où les journaux proscrits se répandaient autrefois dans toutes les directions. A Saint-Trond, le doyen menace d’excommunication tous les habitués de la société littéraire, si cet établissement reçoit un journal libéral. A Tournay, les pères rédemptoristes refusent d’entendre en confession, même d’entendre, quiconque lit un journal libéral. A Ath, un curé refuse de bénir le mariage d’un ouvrier attaché à l’imprimerie d’un journal libéral : on fait appel à l’évêque de Tournay, qui maintient l’interdit, à moins que l’ouvrier ne quitte son atelier.

L’enseignement, cette autre source de l’opinion, ne pouvait pas mieux échapper que la presse à ce parti pris de monopole sans frein et sans limites, et ici M. Nothomb vint en aide au clergé. Non content de placer deux ecclésiastiques à la tête des deux seules écoles normales que le gouvernement eût été autorisé à créer, M. Nothomb agréa l’offre faite par les évêques de soumettre les sept écoles normales du clergé au régime d’inspection établi par la loi de 1842, qui force les communes, à moins d’autorisation spéciale, à choisir leurs instituteurs parmi les élèves des écoles soumises à cette inspection. Le clergé envahissait donc, au prix d’un contrôle illusoire, tout l’enseignement primaire, ou peu s’en faut. N’admirez-vous pas comment ces ombrageux démocrates du parti clérical sont tolérans pour la prérogative royale, dès qu’elle doit s’exercer à leur profit ?

Cette question de l’enseignement était destinée à mettre en relief toutes les palinodies ultramontaines. Ce même parti, qui venait d’abjurer ses susceptibilités radicales pour s’emparer de l’enseignement primaire, y revenait quelques mois plus tard pour garder la haute main sur les universités. Le terme assigné à l’organisation provisoire du jury chargé de conférer les grades académiques expirait en 1843. Les libéraux, tant modérés qu’exaltés, demandaient que la nomination des examinateurs fût déférée au roi. Les catholiques exhumèrent toutes leurs vieilles déclamations anti-gouvernementales en faveur de l’ancien système, qu’ils préféraient par une raison fort simple : sur 62 examinateurs nommés par les chambres dans l’espace de huit