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nécessité des choses, cet enchaînement occulte, mais permanent, ce retour périodique dans le développement progressif des formes, des phénomènes et des évènemens, qui constituent la nature obéissante à une première impulsion donnée. La physique, comme l’indique son nom même, se borne à expliquer les phénomènes du monde matériel par les propriétés de la matière. Le dernier but des sciences expérimentales est donc de remonter à l’existence des lois, et de les généraliser progressivement. Tout ce qui porte au-delà n’est pas du domaine de la physique du monde, et appartient à un autre genre de spéculations plus élevées. Emmanuel Kant, du très petit nombre des philosophes qu’on n’a pas accusés d’impiété jusqu’ici, a marqué les limites des explications physiques avec une rare sagacité, dans son célèbre Essai sur la théorie et la construction des cieux, publié à Kœnigsberg en 1755.

L’étude d’une science qui promet de nous conduire à travers les vastes espaces de la création ressemble à un voyage dans un pays lointain. Avant de l’entreprendre, on mesure, et souvent avec méfiance, ses propres forces comme celles du guide qu’on a choisi. Cette crainte, qui a sa source dans l’abondance et la difficulté des matières, diminue, si l’on se rappelle qu’avec la richesse des observations a augmenté aussi, de nos jours, la connaissance de plus en plus intime de la connexité des phénomènes. Ce qui, dans le cercle plus étroit de notre horizon, a paru long-temps inexplicable, a été éclairci souvent et inopinément par des recherches faites à de grandes distances. Dans le règne animal comme dans le règne végétal, des formes organiques restées isolées ont été liées par des chaînons intermédiaires, par des formes ou types de transition. La géographie des êtres doués de vie se complète, en nous montrant des espèces, des genres, des familles entières propres à un continent, comme reflétés dans des formes analogues d’animaux et de plantes du continent opposé. Ce sont, pour ainsi dire, des équivalens qui se suppléent et se remplacent dans la grande série des organismes. La transition et l’enchaînement se fondent tour à tour sur un amoindrissement ou un développement excessif de certaines parties, sur des soudures d’organes distincts, sur la prépondérance qui résulte d’un manque d’équilibre dans le balancement des forces, sur des rapports avec les formes intermédiaires, qui, loin d’être permanentes, caractérisent seulement certaines phases d’un développement normal.

Si des corps doués de la vie nous passons aux êtres du monde inorganique, nous y trouverons des exemples qui caractérisent à un