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cette maladie, beaucoup d’écrivains ont-ils cru reconnaître le typhus. Quoi qu’il en soit, jusqu’au VIe siècle, il n’en est plus question. C’était le temps de la domination romaine, et il est remarquable que la civilisation de Rome chassa le fléau de tous les pays qu’elle parcourut. À dater de 503, la peste apparut plusieurs fois ; on suit à merveille sa trace jusqu’au VIIe siècle ; mais alors les documens deviennent rares, l’histoire s’obscurcit, et ce n’est plus qu’à dater du XIVe siècle que l’on peut regarder comme exacte, dans les pays d’Europe, la table des épidémies. Au XIVe siècle, on compte en France neuf pestes ; au XVe, six ; au XVIe, treize ; au XVIIe, cinq ; au XVIIIe, une (celle de Marseille en 1720) ; le XIXe, Dieu merci, en a été jusqu’à présent exempt. Il y a ici un fait fort curieux à constater. Les lazarets, dont on avait eu en 1383 une première idée, ne furent définitivement et complètement établis que vers le milieu du XVe siècle (1476). Or, quel fut leur effet ? Le siècle suivant fut le plus frappé, il y eut treize pestes, ce qui ne s’était pas encore vu. Après cette période, la maladie diminua, il est vrai, sensiblement. Faut-il en conclure que les mesures qui avaient été impuissantes au XVIe siècle, et qui restèrent les mêmes, devinrent efficaces dans les siècles qui suivirent ? Non ; croyons plutôt que le calme qui succéda à nos guerres religieuses, les mesures de Sully, qui favorisa l’industrie, l’agriculture, s’occupa du bien-être du peuple, les ordonnances de Richelieu, qui continua cette œuvre, celles de Colbert, qui la termina, en un mot que les améliorations diverses qui aboutirent au siècle de Louis XIV eurent une influence notable sur la salubrité du pays, et par conséquent sur l’état sanitaire de la France. Depuis 1664, la peste n’a reparu chez nous qu’une seule fois, en 1720. Et où a-t-elle éclaté ? Dans le pays qui était, à cette époque, le plus arriéré de la France, en Provence, sur les bords du Rhône et de la Camargue, où règne cette chaleur humide qu’on a reconnue être favorable au développement de la maladie ; enfin, dans une saison qui avait été précédée de deux années exceptionnelles, 1718 et 1719, années pluvieuses et stériles, temps de misères et d’inondations. Dans tous les cas, la peste ne fut pas importée en Provence, ceci est prouvé. Le lazaret de Marseille existait depuis trois siècles ; les mesures sanitaires furent appliquées, les registres de la santé le prouvent, au bâtiment du capitaine Chataud, qui fut accusé d’avoir apporté la maladie ; il a même été constaté que des cas de peste s’étaient révélés avant l’arrivée de ce bâtiment.

L’Angleterre a été ravagée vingt fois par la peste : cinq fois avant le XIVe siècle, et quinze fois depuis cette époque. Ici, nous relèverons