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et même la favorisait au moyen d’une prime de 5 shillings par quarter[1]. Cette législation, qui fut en vigueur jusqu’en 1764, produisit en Angleterre des effets curieux, inattendus. Elle fut plusieurs fois modifiée dans la suite, mais toujours les restrictions à l’importation des grains étrangers reparurent, et devinrent comme la règle générale du commerce anglais. Il n’y eut guère qu’une exception, et ce fut durant la longue guerre que l’Angleterre eut à soutenir avec la France. L’aristocratie terrienne, qui semblait plus particulièrement engagée dans cette grande lutte, crut devoir alors se concilier l’appui et la faveur du peuple par un adoucissement aux anciennes restrictions. Toutefois, à peine la guerre avait-elle cessé que, dès l’année 1815, l’importation des grains étrangers était de nouveau interdite avec plus de rigueur que jamais. On ne songea plus, il est vrai, à favoriser l’exportation ; mais, l’eût-on permise, cette faculté eût été à peu près illusoire, car les restrictions qui frappent l’importation avant pour effet naturel et nécessaire, comme nous le verrons bientôt, d’élever la moyenne des prix au-dessus du niveau commun des prix à l’étranger, un pays qui se refuse à recevoir des grains du dehors ne peut guère songer à exporter les siens qu’autant qu’il favorise cette exportation, comme l’Angleterre le faisait autrefois, par des primes.

Ainsi, pendant tout le cours du XVIIIe siècle, la France et l’Angleterre, gouvernées selon des systèmes différens, suivirent, en ce qui concerne le commerce des grains, des voies diamétralement contraires, l’une interdisant ce que l’autre permettait ou favorisait même par des primés. Depuis que ces deux pays sont placés, quant à leur constitution, sous des régimes semblables, leurs lois-céréales ont été, au contraire, calquées les unes sur les autres, avec cette différence toutefois que, l’influence de la propriété foncière étant beaucoup plus exclusive en Angleterre qu’en France, les restrictions mises à l’importation y ont toujours été plus rigoureuses. Et ce qui n’est pas moins remarquable, c’est que le nouvel adoucissement apporté à ces restrictions en France par la loi de 1832 coïncide avec un affaiblissement pareil du parti des propriétaires fonciers : la loi de 1832 ne semble, en effet, si l’on rapproche les dates, que le corollaire de cette autre loi qui, en supprimant d’une part les grands collèges et le double vote des plus riches propriétaires, et en introduisant de l’autre dans le corps électoral, par l’abaissement du cens, un plus grand nombre

  1. Le quarter équivaut à peu près à trois hectolitres.