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pas propriétaires des champs qu’ils exploitent. On n’atteindrait pas mieux le but en substituant la grande à la petite culture, puisqu’en effet tout est relatif, et que, si le fermier d’une grande exploitation obtient généralement un crédit plus large, ses besoins sont aussi plus étendus. Une seule chose peut faire pénétrer dans les campagnes le crédit plus ou moins étendu qui règne dans les villes, c’est l’intervention des commerçans dans le maniement et la vente des produits du sol. Que les cultivateurs soient en contact perpétuel, en relation constante avec le commerce des villes pour l’écoulement de leurs denrées, et alors, mais alors seulement, ils participeront au crédit des villes. Or, cette intervention des commerçans, nous l’avons vu, est au prix de la liberté entière de l’achat et de la vente au dehors et au dedans. De quelque crédit que le commerce et l’industrie jouissent en Angleterre, ce crédit, on le sait trop bien, ne s’étend pas sur les campagnes, tandis qu’aux États-Unis, où le trafic des denrées du sol est libre, le cultivateur en jouit au même degré que les industriels de toutes les classes.

Après tout ce qui précède, nous aurons peu de chose à dire sur la situation présente.

En ce moment, l’Angleterre et la Belgique souffrent de la disette des substances alimentaires ; il ne faut pas s’en étonner. Les récoltes ont manqué, soit ; mais nous osons dire que ces deux pays doivent s’en prendre encore moins à l’inclémence du ciel qu’à l’inclémence de leurs lois. Sous une législation plus douce, la France jouit aussi d’une situation plus heureuse et plus calme. Ce n’est pas la première fois que ce contraste se prononce, et, si les mêmes lois subsistent, ce ne sera pas la dernière.

L’Angleterre se décidera-t-elle enfin à réformer ce régime détestable qui, depuis trente ans, décime ses populations par la misère et par la faim ? Riche et puissante par l’abondance inépuisable de ses mines de fer et de charbon, par la prodigieuse extension de son crédit et par l’industrie de ses enfans, souffrira-t-elle long-temps encore que les avantages de sa situation exceptionnelle soient perdus pour les masses, annulés qu’ils sont par une législation égoïste, qui en détourne ou en corrompt tous les bienfaits ? Il est difficile de préjuger à cet égard l’avenir. Depuis long-temps, il faut le reconnaître, le pays s’éclaire, et des voix généreuses y proclament maintenant la vérité jusque sur les toits ; mais le parti agricole est puissant, il est opiniâtre surtout, et l’expérience prouve qu’il ne lâche pas facilement sa proie. Toutefois voici que la ligue formée contre les lois-céréales attaque