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renouer avec Rome. Ce n’est pas que nous craignions de voir surgir un nouveau pouvoir monacal en face de la tribune, de la presse, en présence de l’invincible esprit du siècle ; mais la dévolution laisse subsister un dangereux élément de trouble. C’est pour le clergé lui-même que nous redoutons les conséquences d’une situation qui déjà a provoqué sa perte et a ruiné son autorité morale. Cette question sera sans doute agitée encore dans les chambres sous toutes ses faces, au point de vue politique et au point de vue pratique, et elle reviendra entourée peut-être de plus de difficultés que jamais, parce que les blessantes hésitations de la cour de Rome ont éveillé des susceptibilités qui se taisaient en présence des avantages d’une prompte solution. Il n’est pas douteux que le cabinet ne soit fortement interpellé sur ce point, et que le congrès espagnol, à l’imitation du parlement français, ne s’efforce de faire peser ses avis sur les négociations qui se poursuivent.

Le mariage de la reine continue de préoccuper le monde politique, et, en l’absence de nouvelles positives, il n’est pas de version qui ne soit accueillie ; récemment même un journal radical a répété avec insistance qu’il y avait une alliance secrète entre Isabelle et le comte de Montemolin, et ce bruit a été accueilli à Madrid, malgré son absurdité. L’Espagne a versé trop de sang dans la lutte constitutionnelle, pour qu’elle accepte aujourd’hui le retour de l’absolutisme, sous quelque apparence qu’il se déguise. La candidature du fils de don Carlos n’a donc jamais été sérieuse ; celle du fis de l’infant don Francisco de Paula réunissait de bien autres chances de succès. L’infant don Henri aurait évidemment pour lui les préférences nationales ; il est ardemment soutenu par une partie de la presse espagnole ; dès l’abord, le gouvernement lui-même a agi comme s’il adhérait à cette candidature ; aujourd’hui, il semble s’être tourné du côté des combinaisons de la diplomatie, qui met en avant un prince de Cobourg ou le comte de Trapani.

Il est d’autres questions très graves que le ministère espagnol s’est efforcé de conduire à une prompte fin, et qui devront également être soumises à l’examen des cortès. Ce sont toutes les questions d’organisation administrative, de finances, d’instruction publique. Les décrets se succèdent sur ces diverses matières. Après la loi sur les municipalités, sur les députations provinciales, M. Pidal a publié un règlement des études qui est déjà en cours d’exécution ; ces jours derniers l’université de Madrid a été ouverte. Le système tributaire, institué par M. Mon, est appliqué en même temps, et ne rencontre pas les difficultés qu’on redoutait. Les contributions sont acquittées sans résistance, et les employés du gouvernement sont payés ; on peut faire face aux dépenses principales. La loi sur les tarifs complètera les plans financiers du ministre. Malgré les vives critiques adressées à MM. Mon et Pidal, on ne peut nier que ces deux hommes n’aient rendu d’éminens services à l’Espagne, les plus réels, à notre avis, dont puisse s’honorer le cabinet où ils siégent. Ce ne serait rien, en effet, d’imposer silence à l’émeute, de maintenir matériellement l’ordre, si ces instans de calme n’étaient employés